Plastipolis : « Il faut enclencher des leviers pour relocaliser certains marchés »
Interview # Plasturgie

Emmanuelle Bouvier présidente de Plastipolis Plastipolis : « Il faut enclencher des leviers pour relocaliser certains marchés »

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Alors que la création d’un grand cluster autour des polymères, issu de la fusion entre le pôle de compétitivité de la filière plasturgie Plastipolis et son homologue dédié au caoutchouc, Elastopôle - a été reportée (pour cause de désaccord sur la localisation du site), Emmanuelle Bouvier présidente de Plastipolis revient sur les conséquences de la crise pour un secteur qui concentre 230 000 emplois et 4 900 entreprises en France.

— Photo : Plastipolis

Trois mois après le début de la crise, quelle est la situation pour les entreprises du secteur de la plasturgie ?

Emmanuelle Bouvier : Les situations varient en fonction des marchés. Les acteurs du packaging pour l’alimentaire ont connu une très forte demande, sans pouvoir toujours répondre à l’ensemble des sollicitations. Les sociétés travaillant avec le domaine de la santé ont également tiré leur épingle du jeu. À l’inverse, les sous-traitants pour l’aéronautique ou l’automobile traversent une période très difficile. Le rebond de l’après-crise dépendra de la réaction des marchés.

Un rebond rapide est-il envisageable ?

E. B. : Pour l’agroalimentaire, un rebond possible très fort est attendu. Pour l’automobile et l’aéronautique, une reprise rapide est moins garantie. Néanmoins, il est certain que les plasturgistes devront moderniser leur processus industriel pour être en capacité de répondre à la demande et se positionner sur des projets de rupture. Ils devront enclencher aussi des leviers pour permettre la relocalisation partielle de certains marchés.

« Jusqu’à aujourd’hui, la relocalisation n’était pas une question à l’ordre du jour, on n’y pensait pas. »

Justement, les relocalisations sont-elles envisageables dans votre secteur ?

E. B. : Les sous-traitants de la plasturgie ont reçu énormément de demandes de la part de donneurs d’ordres pour fabriquer des produits qui sont aujourd’hui délocalisés. Jusqu’à aujourd’hui, la relocalisation n’était pas une question à l’ordre du jour, on n’y pensait pas. Ces projets doivent maturer et amener les industriels à se positionner rapidement. Tout cela avec un impératif de transition écologique puisque le plastique est de principe polluant. Cela impose d’avoir une ambition ancrée dans l’économie circulaire.

« Cette nouvelle dette peut à moyen terme fragiliser des entreprises et freiner de nouveaux investissements. »

Peut-on craindre de la casse dans le secteur ?

E. B. : Dès lors qu’une entreprise voit son chiffre d’affaires chuter brutalement, elle fait face à des problèmes de trésorerie qui entraînent d’autres difficultés. Les aides ont contribué à les sauver dans l’immédiat mais pour combien de temps ? Le Prêt garanti par l’État, qui est un bon outil pour passer la crise, créé un endettement supplémentaire dans un secteur capitalistique, déjà endetté par des investissements coûteux. Cette nouvelle dette peut, à moyen terme, fragiliser des entreprises et freiner de nouveaux investissements.

Après de vives critiques autour du plastique à usage unique, on assiste à son retour en grâce notamment dans l’agroalimentaire, sommes-nous plastique dépendants ?

E. B. : Il y a aujourd’hui de très beaux projets dans le recyclage et la dépolymérisation qui sont en cours. Une vie sans plastique est une utopie. Le plastique apporte beaucoup dans le high-tech, la santé, le transport et même le packaging. On voit les limites sanitaires du vrac dans l’agroalimentaire mais cela ne doit pas nous guider, à l’inverse, vers du sur-packaging, qui est une hérésie. Si nous parvenons à développer des produits qui répondent aux normes et exigences sanitaires et environnementales, je ne vois pas pourquoi on devrait faire un totem autour du plastique à usage unique.

Tout cela nécessite-t-il une forte capacité d’innovation ?

E. B. : Bien sûr ! Mais aujourd’hui, toutes les entreprises testent et innovent pour réduire l’impact du plastique. Nous n’avons pas attendu que l’on parle du 7e continent dans les océans pour en prendre la mesure. Les industriels ont des solutions abouties. J’espère que les politiques français et européens sauront faire la part des choses entre des plastiques écoresponsables et une opposition de principe.

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