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Laurent Devillers (Gibaud) : « Nous tissons des liens avec les patients et les professionnels de santé »
Interview Rhône # Textile # Innovation

Laurent Devillers directeur général de Gibaud Laurent Devillers (Gibaud) : « Nous tissons des liens avec les patients et les professionnels de santé »

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Arrivé la tête de Gibaud en 2016, Laurent Devillers a donné un nouveau souffle au fabricant de bas de compression et d’orthèses, en misant sur la santé collaborative. Plus qu’un simple repositionnement marketing, il s’agit d’une nouvelle façon d’appréhender la conception des produits et le processus d’innovation.

Depuis que Laurent Devillers a pris la direction de Gibaud en 2016, le chiffre d'affaires du fabricant de bas de compression et d'orthèses est passé de 45 à 50 M€ — Photo : Gibaud

Le Journal des Entreprises : Depuis votre arrivée à la direction de Gibaud (380 salariés, dont 100 à Saint-Etienne) en avril 2016, le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé de 45 à 50 M€. Comment expliquez-vous cette croissance ?

Laurent Devillers : Nous nous sommes focalisés sur notre expertise historique sur l’orthopédie, la phlébologie et la podologie, tout en donnant un nouveau souffle à cette entreprise. Il s’est matérialisé par le repositionnement de notre marque et un nouveau logo. Nous sommes allés chercher en interne le message que l’on souhaitait exprimer en externe. Nous nous sommes appuyés sur nos collaborateurs pour comprendre nos racines, la raison d’être de l’entreprise et le sens que l’on souhaitait donner. Tout cela pour aboutir à ce message fort de « Gibaud, tisseurs de soin ». Nous sommes des tisseurs de soin depuis plus de 130 ans !

Votre croissance est uniquement le fruit d’un repositionnement marketing ?

L. D. : Pas seulement ! Nous avons bien observé le marché. Aujourd’hui, les personnes recherchent du bien-être, un équilibre physique, mental et émotionnel. Et on sait que lorsque les énergies émotionnelles sont mal canalisées, cela entraîne des tensions dans le dos, sur les épaules… Nous avons donc mis en place tous les moyens nécessaires pour répondre aux attentes des patients avec des soins les plus respectueux et holistiques possibles. Nous avons aussi constaté un changement au niveau des remboursements, avec une pression de plus en plus forte des autorités de santé sur les médicaments, mais aussi sur l’orthopédie et la phlébologie.

Toutes ces évolutions sont à l’origine de la réflexion collaborative que nous avons lancée début 2017 et qui nous a permis d’aboutir à ce nouveau message « Gibaud, tisseurs de soin ». Mais la meilleure façon de faire passer un nouveau message, c’est déjà de le vivre en interne, en tissant des liens entre toutes les composantes de l’entreprise, pour générer de l’intelligence collective.

Comment ce travail collaboratif s’est-il matérialisé ? Vous avez décloisonné vos services ?

L. D. : Cela va au-delà de la simple collaboration en interne ! Pour la conception des produits, nous avons également associé les patients et les professionnels de santé : professeurs d’universités, orthopédistes, pharmaciens. Ils travaillent désormais en lien étroit avec nos différents services, que ce soit la R&D, le marketing et même le commercial.

Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur le campus collaboratif de notre maison-mère, le groupe Ossür (3 000 collaborateurs ; 25 sites dans le monde). C’est dans ce campus, basé à Ecully (Rhône), que nous tissons des liens avec les patients et les professionnels de santé et que nous mettons en place ce travail collaboratif, qui nous permet d’aboutir à des innovations.

Spécialiste des dispositifs médicaux textile Gibaud — Photo : Gibaud

Vous avez investi plus de 2 M€ en 2018 pour lancer une nouvelle gamme d’orthèses 3D. Est-ce le premier « fruit » de votre nouveau positionnement sur la santé collaborative ?

L. D. : Parfaitement. Dans cette volonté de nous positionner comme tisseurs de soin, nous avons décidé de lancer, à la suite de recherches importantes et un gros travail avec les patients et professionnels de santé, une gamme basée sur un tricotage en 3 dimensions, qui nous permet d’ajuster les orthèses (appareil orthopédique qui aide aux mouvements de membres douloureux, NDLR) avec des zones précises de décompression et respiration. Cette gamme 3D est intégralement fabriquée en France dans notre usine de Saint-Etienne. Usine qui, depuis 2017, est d’ailleurs devenue le centre technique textile du groupe. Nous avons fortement investi dans de nouvelles technologies et nous allons continuer. Nous allons investir 500 000 € supplémentaires d’ici à la fin de l’année pour poursuivre le développement de cette gamme 3D, qui allie à la fois design et confort.

En quoi va consister ce nouvel investissement ?

L. D. : Nous allons investir dans des machines supplémentaires dédiées à cette gamme 3D. L’objectif étant d’augmenter nos capacités de production d’environ 25 % dans les prochains mois. Aujourd’hui, nous avons 20 machines qui fonctionnent 24h/24 et 7j/7 avec une productivité de 90 %. Nous allons continuer à monter en puissance, puisque nous prévoyons de lancer notre gamme 3D en Italie, où nous sommes aujourd’hui numéro 1.

Cette gamme 3D est-elle un moteur de croissance pour Gibaud, et en particulier pour votre usine de Saint-Etienne ?

L. D. : Elle l’est ! D’autant qu’il y a les investissements sur la partie tissage, mais nous avons aussi la soudure à haute fréquence et toutes les équipes de confection qui sont basées à Saint-Etienne. Rien que pour cette partie confection, nous avons embauché, en 2018, une trentaine de personnes.

Cette belle réussite vous donne-t-elle des idées pour la suite ? De nouvelles gammes, issues de votre travail sur la santé collaborative, pourraient-elles voir le jour prochainement ?

L. D. : Nous allons effectivement nous nourrir du succès de cette intelligence collective pour continuer cette belle histoire née avec la gamme 3D. Nous travaillons sur une gamme pour le soin des jambes, qui sortira de notre site de Trévoux (près de Lyon) dédié à la compression médicale. C’est une gamme que l’on va déployer sur un an et demi. Nous avons commencé début juillet par le soin des jambes pour l’homme et nous allons poursuivre par la femme au mois d’octobre, avec une première catégorie de produits. Puis, nous aurons un gros lancement, au mois d’avril 2020, avec une catégorie de produits plus transparents. Mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant.

Où doit vous mener cette stratégie axée sur la santé collaborative en termes de croissance ?

L. D. : Dans l’idéal, nous visons une croissance annuelle de l’ordre de 5 %. Notre objectif n’est pas d’être les plus gros, mais d’avoir une croissance profitable qui soit le reflet du travail collaboratif que nous réalisons avec l’ensemble de nos partenaires. La croissance n’a de sens que lorsqu’elle est partagée !

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