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Navya : « 2020 devrait être l’année d’une croissance massive »
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Christophe Sapet président de Navya Navya : « 2020 devrait être l’année d’une croissance massive »

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Le président de l’entreprise lyonnaise Navya, qui conçoit et réalise des véhicules 100% autonomes, a présenté en novembre son deuxième modèle de véhicule : Autonom Cab. La société qui dénombre 60 véhicules immatriculés dans le monde projette d’arriver à 300 grâce à ce nouveau modèle d’ici fin 2018.

— Photo : Pierre Salomé Aishuu

Le Journal des Entreprises : Après Autonom Shuttle lancé en 2016, une navette du dernier kilomètre desservant toujours le même itinéraire, vous présentez Autonom Cab. Quelle différence entre les deux ?

Christophe Sapet : Autonom Cab embarque 15 personnes et a la capacité de se mouvoir dans un trafic automobile « normal », avec une vitesse pouvant atteindre 70 voire 90 km/h. Les clients pourront faire appel à ce véhicule en se connectant à une application via leur smartphone. Fin octobre, 60 de nos véhicules Shuttle étaient immatriculés. Fin 2018, nous atteindrons 300 véhicules dans les deux gammes, ce qui devrait nous placer dans les deux ou trois premières entreprises de ce type dans le monde. Les premières expérimentations d’Autonom Cab vont être lancées, y compris dans une ou deux villes en France.

Quelle stratégie avez-vous adoptée pour industrialiser de si petites quantités avec une telle technologie ?

C. S. : On s’approprie la procédure du « carrying-over » consistant à prendre des pièces fabriquées en grande quantité comme les roues, les freins à disques les plaquettes ou des suspensions classiques pour raccourcir les délais et limiter les coûts. Mais pour la carrosserie, nous travaillons avec la tôlerie Bérard à Brignais (Rhône). La société AMC Modelage (Villefranche-sur-Saône) fournit les châssis et les arceaux, tandis que Eve Système à Taluyers (Rhône) produit nos batteries et systèmes électroniques embarqués. Ces PME ont été sourcées grâce à l’un de nos cadres, Xavier de la Chapelle, qui est l’architecte du véhicule.

Quel est le prix de revient d’un véhicule ?

C. S. : Environ 130 000 euros pour l’Autonom Shuttle : 50 % du prix comprend les pièces et le montage du véhicule, l’autre moitié concerne la partie électronique embarquée, les capteurs et le système informatique. Sur l’électronique on projette des diminutions drastiques de coûts grâce à l’effet volume, mais à un horizon encore difficile à apprécier.

Navya ne produit pas seulement des véhicules autonomes, elle conçoit des applications, dialogue avec les systèmes d’optimisation des trajets et invente des systèmes de réservation de véhicule… Est-ce « rentable » ?

C. S. : Tant que nous n’avons pas de partenaires, nous sommes contraints de développer l’intégralité de la chaîne de valeur car personne d’autre n’est prêt à le faire tout de suite. Nous nous déployons aussi sur d’autres services comme la maintenance et la télésurveillance des véhicules.

La législation permettant l’usage des véhicules autonomes évolue-t-elle assez vite en France ?

C. S. : Pas aussi vite qu’on le souhaiterait alors qu’aux États-Unis les choses s’accélèrent. Cela dit la France n’est pas à la traîne, nous sommes dans le peloton de tête en Europe, avec la Suisse tandis que, une fois n’est pas coutume, en Allemagne ça n’avance pas.

Quelle est votre vision à trois ans ?

C. S. : Sur les deux prochaines années 100 % des véhicules serviront les expérimentations. En 2018 et 2019 nous prévoyons de tripler voire quintupler le chiffre d’affaires des années précédentes. Et 2020 devrait être pour nous l’année du décollage grâce, on l’espère, l’usage autorisé sur les voies publiques.

Continuerez-vous alors de produire en France ?

C. S. : Ce n’est pas un critère stratégique. Aujourd’hui nous comptons en France 60 salariés dédiés à la R & D (basés à Paris), 50 dans les ateliers d’assemblage de Vénissieux (techniciens et ingénieurs) et autant au siège social de Villeurbanne. Tant que nous ne sommes pas sur des volumes très importants produire en France ne constitue pas un handicap. Le différentiel de coût se montera peut-être à 4 000 ou 5 000 euros supplémentaires mais c’est ce que j’appelle « un bruit de fond ». Et si on doit atteindre 1 000 véhicules vendus à 250 000 euros en moyenne, soit un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros par an, on serait alors très très contents et il n’y aurait aucun motif industriel qui nous imposerait de délocaliser. À l’exception de certaines zones géographiques comme les États-Unis qui imposent des taxes douanières. Raison pour laquelle nous lançons ces jours-ci notre usine d’assemblage à côté de Détroit (EU), et peut-être une autre en Asie. Nous étudions l’intérêt d’une implantation en Australie.

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