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Najjar s'agrandit pour suivre le boom du savon d'Alep
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Najjar s'agrandit pour suivre le boom du savon d'Alep

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La PME familiale Najjar, qui fabrique en Syrie et distribue depuis Villeurbanne des cosmétiques à partir de savon d'Alep, a su faire face aux difficultés en plein conflit syrien et doubler son chiffre d'affaires. Elle investit dans un nouveau site dans l'Ain pour continuer de croître.

L'entreprise Najjar, qui distribue depuis Villeurbanne les cosmétiques Najel au savon d'Alep, réalisé près de la moitié de son chiffre d’affaires à l’export, dans 37 pays en Europe, Russie, dans les pays arabes et au Japon — Photo : Audrey Henrion / JDE

Dans la famille Najjar, on fabrique le savon d’Alep depuis 1895. Le grand-père du grand-père de Manar, PDG de la SAS Najjar, située à Villeurbanne (Rhône), le fabriquait dans la savonnerie familiale, au coeur de la capitale syrienne. En 1994, quelques années après son arrivée en France, Manar Najjar, jeune médecin syrien, décide de se lancer dans l’importation en France de ce produit mythique. Les premiers containers sont déchargés à Villeurbanne deux ans plus tard. La marque Najel naît en 2000. S’ensuit l’achat d’un entrepôt en 2004, année où le frère de Manar organise le déménagement dans une nouvelle savonnerie, à Afrin, petite ville du nord-ouest syrien, non loin de la frontière turque, au cœur d'une région aux 12 millions d’oliviers.

400 tonnes de savon d'Alep fabriquées par an

Tout se complique en 2012, après l'éclatement du conflit syrien. « Nous avons eu peur de perdre notre site d’exploitation », admet Manar Najjar. Depuis six ans, ces petits cubes de savon vert parcourent un chemin chaotique pour arriver jusque dans nos salles de bain. D’Afrin, le convoi peut mettre seulement 15 jours, en prenant le chemin le plus court vers la Méditerranée, soit 360 km. Mais parfois il faut contourner les obstacles - routes coupées, ponts détruits -, ce qui peut décupler la distance et pousser les délais jusqu’à six semaines. « L’itinéraire précis reste confidentiel », assène Manar Najjar. Un secret mieux gardé que la recette du célèbre savon, né il y a 3 500 ans.

« Quand a éclaté le conflit syrien, nous avons eu peur de perdre notre site d’exploitation. »

De l’huile d’olive non-alimentaire, de l’huile de baie de laurier et de la soude. Chauffé au feu de bois dans un chaudron de 13 tonnes, le mélange est découpé puis séché de mars à fin août, où il prendra une teinte rouille à la surface et vert olive à l’intérieur. Le site d’Afrin en produit 400 tonnes par an, dans un bâtiment de trois étages, sorte de phalanstère, où se réfugient les familles dont les maisons sont parfois détruites ou saisies. En saison, jusqu’à 80 familles récoltent à la main les fruits des 10 668 oliviers réparties sur les parcelles de 14 paysans différents. Tandis que les baies de lauriers sont acheminées depuis les rives de la Méditerranée.

Une référence dans les rayons bio

En 15 ans, la petite affaire d’import-export a bien grandi. À Villeurbanne, l’entreprise de 2 400 m² ne stocke plus seulement quelque 250 tonnes de pains de savon (qui représentent 60 % du chiffre d’affaires). La PME 100 % familiale de quinze salariés propose, depuis 2013, une soixantaine de produits, cosmétiques ou détergents, fabriqués dans le laboratoire-usine de Villeurbanne. Le chiffre d'affaires de l’entreprise est passé de 1,7 M€ en 2013 à 3,5 M€ au 30 septembre 2018. Signe particulier : aucune externalisation.

« Nous ne sous-traitons rien. Des formulations à la fabrication, du packaging jusqu’au conditionnement, tout est fait maison », indique Catherine, épouse de Manar Najjar et directrice générale de Najel. Au fil des années, le savon s’est imposé dans les rayons bio. Et même si depuis 2012 les organismes de certification n’envoient plus leurs salariés sur place pour valider l'origine naturelle des ingrédients, l’entreprise revendique la place de seul fabricant-distributeur européen. Elle compte comme clients des enseignes comme L’Eau vive, Biocoop, La Vie Claire et les magasins E.Leclerc pour des produits en marque blanche.

Par essence, l’entreprise s’est toujours tournée vers le reste du monde. 47 % du chiffre d’affaires de l’entreprise est réalisé à l’export, dans 37 pays, en Europe - Pologne en tête, en Russie, dans les pays arabes et aussi au Japon. Et si les ventes à l’étranger ont bondi d’un gros tiers entre 2016 et 2017 (+37 %), c’est le fruit d’une présence régulière sur les salons internationaux, tels Cosmoprof à Bologne et Tokyo, ou BioFach en Allemagne.

+10 % de croissance par an

L’idée des dirigeants est d’accroître encore cette internationalisation. Ils font pour cela un gros pari : la construction d’un ensemble à 3,2 millions d’euros HT, comprenant l’achat d’un terrain à Civrieux, aux portes de Lyon (Ain). Le projet n’est pas nouveau. Mais Catherine et Manar voulaient pouvoir le financer à 100 %, avec l’aide de leurs banques et de Bpifrance, qui injecte 25 % des fonds.

Le site de 12 000 m² abritera un bâtiment de 3 000 m² avec une zone de stockage deux fois plus importante (jusqu’à 2 000 palettes), 500 m² de bureaux, un laboratoire de 700 m² et une zone de production et de conditionnement. Ce projet permet à l'entreprise Najjar de passer la vitesse supérieure et d’anticiper une autre extension de 6 000 m². Le déménagement est fixé au 1er trimestre 2019. Avec l’ambition de réaliser, selon des estimations basses, 10 % de croissance supplémentaire par an.

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