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Martin Stéphan : « Carbios redonne de la valeur aux déchets plastiques »
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Martin Stéphan directeur général adjoint de Carbios Martin Stéphan : « Carbios redonne de la valeur aux déchets plastiques »

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Martin Stéphan, directeur général adjoint de Carbios, décrit le plan de déploiement d’une nouvelle technologie qui permet de recycler biologiquement le plastique PET usagé à l’infini. La PME de 25 salariés spécialisée dans la chimie verte, créée en 2011 à Clermont-Ferrand, voit son cours de Bourse s’envoler depuis janvier.

La PME clermontoise Carbios est en passe d'industrialiser une nouvelle technologie permettant de recycler biologiquement le plastique PET usagé à l’infini — Photo : Carbios

Le Journal des Entreprises : Vous annoncez que les géants industriels Nestlé Waters, PepsiCo et Suntory Beverage & Food Europe rejoignent le consortium que vous avez créé avec L’Oréal, en 2017, sur le biorecyclage du plastique. Quelle technologie leur proposez-vous ?

Martin Stéphan : Nous proposons de produire un emballage "neuf" à partir de n’importe quel déchet PET (plastique très utilisé dans la fabrication des bouteilles, NDLR) et quelle que soit sa qualité (opaque, coloré, amorphe transparent, fibre), résolvant ainsi le problème de fin de vie du plastique et donnant de la valeur à ce qui n’en a pas.

Notre directeur scientifique Alain Marty, ancien chercheur au Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés, a mis au point une technologie enzymatique (biologique, NDLR) inédite, protégée par 30 familles de brevets dans le monde entier, permettant un recyclage à l’infini du PET. Nos partenaires mettent leur réputation, leur taille et leur puissance de feu au service du consortium.

Comment va fonctionner votre technologie ?

M. S. : Nous proposerons à des producteurs de bouteilles en PET de brancher une unité Carbios sur leur ligne de production. Laquelle, au lieu de consommer du pétrole, consommera du déchet plastique. Alors qu’il se produit quelque 70 millions de tonnes par an de PET dans le monde, l’enjeu est énorme. Au regard des objectifs de recyclage du PET fixé par la Commission européenne d’ici à 2024-2025, et considérant leurs propres objectifs de recyclage (10 millions de tonnes recyclées d’ici à 2025, NDLR), les grands utilisateurs de plastiques que sont PepsiCo ou L’Oréal se sont montrés intéressés pour accorder du temps et des compétences afin de faire avancer cette technologie.

« À partir du moment où vous donnez de la valeur à un déchet qui n’en a pas encore, un flux devrait se mettre en place. »

En termes de coûts, notre procédé ne sera pas vendu plus cher qu’un produit pétrochimique vierge. Il ne permettra pas à nos clients de faire des économies, mais plutôt de remplir leurs objectifs de recyclage.

Quelles vont être les étapes de mise sur le marché ?

M. S. : Selon la Commission européenne, il manque 4 milliards d’euros d’infrastructures pour atteindre 10 millions de tonnes de plastique recyclé en 2025. Il faut restructurer toute la chaîne de collecte et l’approvisionnement en déchets adaptés aux technologies thermomécaniques. Nous travaillons avec de grands noms, tels que Suez, Veolia, Citéo… À partir du moment où vous donnez de la valeur à un déchet qui n’en a pas encore, un flux devrait se mettre en place. C’est à nous de défendre auprès des collecteurs de déchets l’intérêt de mettre en place ce flux.

Le consortium prendra fin dans quatre ans, au moment où l’on sera capable de vendre une licence. D’ici là, l’usine de démonstration, que nous installons cet été chez Kem One, à Saint-Fons (Rhône), aura pu démontrer sa capacité à passer à l’échelle industrielle. Cette usine aura généré suffisamment de données pour nous permettre d’écrire un « process design package », élément de base de la licence que nous proposerons aux fabricants de PET en 2023-2024. Le client achètera ensuite la licence et l’enzyme (fournit par le danois Novozymes, partenaire de Carbios, NDLR) pour faire fonctionner son usine.

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