Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie : « Quelle cohérence entre Evian et Clermont-Ferrand ? »
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Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie : « Quelle cohérence entre Evian et Clermont-Ferrand ? »

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Député de Haute-Savoie et dirigeant d'une société de services et de conseils en informatique, Lionel Tardy se présente pour l'UMP sur le canton de Faverges pour les prochaines élections départementales. Il livre sa vision de la future Région Rhône-Alpes/Auvergne.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Vous avez choisi de vous présenter aux départementales dans le secteur de Faverges, avec la maire de Doussard, Michèle Lutz. Quelles sont les raisons de cet engagement ?
La raison est très simple : je suis député depuis 2007, et je n'ai pas de mandat local. Aujourd'hui, lorsqu'il existe un dysfonctionnement local, je n'ai accès à aucun dossier car je ne suis pas sur la grande agglomération d'Annecy. Au mois d'octobre, j'ai donc fait part de ma décision de me présenter sur le canton de Thônes-Faverges, un choix qui n'est pas anodin car j'y ai toute ma famille. Il a aussi un avantage dans la réforme territoriale : tous les conseillers départementaux vont être noyés avec le grand Annecy qui doit se créer, tandis que Thônes-Faverges restera indépendant. Ce canton aura donc besoin d'être défendu, d'autant plus qu'on risque de perdre beaucoup de compétences départementales.


Quelles sont les problématiques locales à défendre selon vous ?
La Haute-Savoie est un département où l'économie fonctionne, qui a seulement 2 ans d'endettement là où d'autres en ont 6, ce qui nous a permis d'être l'un des trois départements français qui investit le plus chaque année. Mais cette situation est menacée par le système de péréquation actuel, puisque la plupart des ressources du département iront à la région et ne reviendront pas à 100 %. Or, ce n'est pas parce que nous avons bien investi auparavant que toutes les infrastructures qui n'ont pas été engagées jusqu'ici ne devront pas l'être, car nous sommes dans un département dynamique qui accueille 10.000 nouveaux habitants par an. D'autant plus que nous bénéficions de ressources spécifiques à notre département, comme les droits frontaliers et les droits de mutations sur les reventes immobilières, qui représentent à eux deux près de 300M€ de recettes fiscales sur un budget de 1,2 Md€


Quelles sont les priorités économiques pour le département?
L'emploi déjà, car même si l'on s'en sort globalement bien avec un taux de chômage de 7,5 %, le gros problème est que la Haute-Savoie commence à être touchée. Le peu de croissance que l'on a se fait sans emploi avec de la rationalisation, et le nombre d'actifs, c'est-à-dire 200.000 personnes sur 750.000 habitants, ne bouge pas et aurait même tendance à baisser. Avec, en boomerang, la problématique des frontaliers qui, jusqu'ici, étaient dans l'euphorie car leur parité a été bloquée pendant un an. Mais avec le climat actuel, les entreprises suisses qui exportent pour la plupart ne vont pas rester avec des problèmes de coûts et de parité. Il ne faut pas oublier que la Suisse est le premier employeur du département, avec près de 90.000 personnes, ce qui représente 150 à 250 M€ de recettes fiscales. On risque de voir arriver des baisses de salaire, voire même des pertes d'emploi.


La Haute-Savoie est le second département touristique français, après l'Ile-de-France (Paris) : quels sont les enjeux pour le tourisme d'hiver ?
Notre positionnement dépend avant tout de l'enneigement... Car s'il n'y a pas de neige, on peut avoir toutes les remontées et chef 5*, il n'y aura personne... Les dérèglements climatiques commencent aussi à se faire sentir avec des quantités de neige exceptionnelles par endroit, qu'on n'avait pas vues depuis 10 ans ! Mais le vrai modèle des stations de ski est de passer du 2 au 4 saisons. On a su mettre en place des activités de luge d'été, de vélo, mais il faut aussi qu'en avril, mai, juin et septembre-octobre, on ait des activités qui fassent que la saison hivernale ne soit plus aussi importante qu'aujourd'hui. Les stations ont compris qu'il fallait accueillir des congrès, valoriser des sports demandant moins de neige... Reste aussi une question : comment se fera la promotion touristique entre l'intercommunalité et la Région ? Car on voit bien que des communes comme la Clusaz, qui sont désormais sur la scène internationale, n'ont pas besoin des communautés de communes pour gérer leur communication. Elles ont déjà les compétences et une identité propre à défendre.


Le label French Tech a été décerné à Grenoble et Lyon : que peut espérer Annecy ?
Ce peut être un levier, qui apporte des emplois de haut niveau pouvant être délocalisables chez nous. Il est bien que l'on fasse un nouveau centre pour héberger ces entreprises dans les anciennes papeteries. Mais aujourd'hui, le numérique représente environ 1.300 emplois sur Annecy et une centaine d'entreprises, ce qui est bien moins que d'autres filières. La Haute-Savoie n'est pas la Silicon Valley non plus. Bien sûr, ce secteur ne demande qu'à progresser mais ce n'est pas ce qui va assurer dans l'immédiat la survie économique. On a d'autres pans de l'économie qui auront un impact direct si les choses vont mal, comme les sports d'hiver, le tourisme, ou les services. Ces derniers vont d'ailleurs souffrir de plus en plus car les donneurs d'ordre, qui sont majoritairement des industriels et des acteurs du bâtiment, ont été impactés par la baisse de la commande publique et le déplacement des centres de décision sur Lyon.


Quelle sera la place de la Haute-Savoie au sein de la nouvelle grande Région ?
La région Rhône-Alpes était déjà la 2e région de France, et on lui adjoint encore tous les départements de la région Auvergne. Cela n'a pas de sens. On sait que cela a été fait pour garder un équilibre politique favorable à la Gauche au sein des Régions. Est-ce qu'on va devoir alimenter l'Auvergne au lieu de faire vivre l'économie ? Quelle cohérence peut-il y avoir entre Évian et Clermont-Ferrand ? C'est pourquoi je ne souhaite pas me présenter aux régionales. Faire 60.000 km par an n'est pas compatible avec le mandat d'un parlementaire ! Avec le découpage actuel, s'il faut être à Clermont le matin, Privas le midi et ailleurs le soir, cela ne donne aucune entité. Je n'ai d'ailleurs jamais eu l'occasion d'aller plus loin que Saint-Étienne. Pour moi, Clermont c'est le bout du monde ! Beaucoup de parlementaires vont se poser la question car ça va être un boulot de dingue. Le conseil régional va devoir revoir sa façon de fonctionner et se transformer en mini-parlement.

Où en est justement la réforme territoriale ?
Elle doit se mettre en route entre 2016 et 2017. L'ironie, c'est qu'on va voter pour les départementales alors qu'on ne sait toujours pas ce qu'on va avoir comme compétences. C'est du jamais vu ! On demande que les conseillers départementaux vendent un projet pour que les gens aillent voter. Or, on ne sait toujours pas quelles compétences on va garder. Dans ce contexte, difficile de dire que l'on refera des routes ou des collèges si tout se passe à la Région !


Vous avez été un fer de lance de l'opposition à la loi Macron. Quel est selon vous l'impact de ce texte sur le tissu économique ?
Il y a des choses qui vont dans le bon sens avec cette loi, mais elle comporte plus de 200 articles et des choses comme sur les Prud'hommes qui n'ont rien à y faire... Il y avait pour nous des sujets plus importants, comme la réforme territoriale : quand on sait que les départements ne représentent que 3 % du déficit global de la France, mieux vaut s'attacher au 97 % qui restent. Lorsqu'on voit dans le Canard Enchaîné que Claudie Haigneré (directrice d'un établissement public regroupant la Cité des Sciences de la Villette et le palais de la Découverte, NDLR) touche 21.000 euros par mois, c'est là qu'il faut agir.


Vous êtes également à la tête d'une société d'informatique (CA 2013 : 2,1 M€; 12 salariés). Quels sont vos ressentis en tant que chef d'entreprise concernant la politique économique actuelle ?
J'utilise le CICE mais il n'est pas à la hauteur. Si le dispositif me rapporte 9.000? par an, ce n'est même pas le quart du salaire d'un employé, car aucun de mes salariés n'est payé au SMIC. Ce n'est donc pas avec ça que je vais pouvoir créer de l'emploi ou investir. Et c'est la même chose pour beaucoup d'entreprises en Haute-Savoie, où le salaire est bien supérieur à celui d'autres régions ! À part le CICE, je n'utilise aucun autre dispositif car ils sont trop complexes à mettre en œuvre.

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