L'inertie de la commande publique inquiète la filière des travaux publics en Auvergne Rhône-Alpes
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L'inertie de la commande publique inquiète la filière des travaux publics en Auvergne Rhône-Alpes

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Crise sanitaire, élections municipales décalées, installation tardives des nouveaux élus … l’accumulation d’événements imprévus fait craindre aux acteurs des travaux publics d'Auvergne Rhône-Alpes une fin d’année délicate et une année 2021 tout aussi fragile.

Les nouvelles majorités municipales élues tardent à lancer de nouveaux projets : la commande publique avait perdu 39% en volume sur un an en juin 2020 — Photo : Nicolas Robin

« Mi-octobre, en l’absence de nouveaux chantiers, près de 80 % des entreprises des travaux publics du territoire auront recours au chômage partiel », alerte Thibault Richard, président de la Fédération du BTP de l’Isère. Une inquiétude partagée partout dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Son homologue à la Fédération régionale et président de la CERC Auvergne-Rhône-Alpes, l'Observatoire régional de la filière construction, Pierre Berger, ne dit pas autre chose : « En octobre, nous allons avoir les premiers effets négatifs sur l’activité des entreprises ».

Si la période électorale anormalement longue (trois mois et demi entre les deux tours) avait déjà freiné l’activité, la crise sanitaire du coronavirus a carrément figé les chantiers durant le confinement, et bloqué les démarches administratives. Le retard pris dans l’instruction des permis de construire pendant le confinement pèse lourd, alors que la commande publique forme les deux tiers du chiffre d’affaires global (6 Md €) des entreprises régionales. « C’est un chemin de croix et la dématérialisation des permis de construire n’existe pas encore », déplore Samuel Minot, président de la Fédération BTP Rhône-Métropole, qui s’attend à un recul de l’activité de près de 20 % en 2020.

Urgence à relancer les appels d’offres

Une inertie également perceptible aujourd’hui sur les appels d’offres, trop rares. Les nouvelles majorités élues tardent en effet à lancer de nouveaux projets. La commande publique avait, en volume, perdu 39 % sur un an en juin 2020, après avoir diminué de 55 % pendant le confinement.

« Les années électorales sont toujours synonymes de creux dans notre activité mais la situation est bien pire cette année, souligne le patron des BTP isérois. Un certain nombre d’appels d’offres n’ont pas été instruits, ni lancés. Cela nous amène à un effet de creux qui se ressentira concrètement dès la fin de l’année ».

Pour le patron des Canalisateurs du Sud-Est, Pierre Rampa, le temps presse : « Les consultations pour les appels d’offres ont chuté de 40 % en raison des changements d’équipes municipales ». Des effets davantage ressentis dans les grandes agglomérations comme Lyon, Grenoble, Chambéry ou encore Annecy. D’où les appels lancés aux mairies et intercommunalités. « Elles sont nombreuses à avoir des projets votés et financés. Qu’attendent-elles ? », interroge Pierre Berger.

Pour soutenir le secteur, le Conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes a mis à disposition des collectivités 150 millions d’euros pour soutenir la commande publique et relancer les chantiers. Début septembre, le plan de relance du gouvernement a octroyé près de 4 milliards d’euros pour les infrastructures d’ici à 2022.

Quid des gros travaux ?

« Il y a un gros trou d’air qui s’annonce », anticipe Pierre Rampa, qui nuance toutefois selon les métiers : « l’énergie et l’eau sont des sujets sensibles liés à l’environnement qui n’attendent pas, mais l’inquiétude porte sur les grands travaux ».

À Lyon, le Plan pluriannuel d’investissement (PPI) de la métropole ne devrait pas être dévoilé avant la fin de l’année. « Bruno Bernard (président EELV de la Métropole de Lyon, NDLR) a annoncé que les gros projets seraient gelés jusqu’au vote de la PPI », avance Samuel Minot.

Une paralysie qui influe sur les carnets de commandes avec des effets attendus sur le niveau de l’emploi dans quelques mois. Les travaux publics représentent 40 000 salariés et plus de 5 000 intérimaires dans la région. « 2021 va être très compliquée, certaines entreprises anticipent déjà des licenciements si elles ne disposent pas très vite d’une vision à plus long terme de l’état de leur carnet de commandes », avertit Pierre Rampa.

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