Pour ses utilisateurs, il est un symbole de liberté, de confort et d’autonomie. Pour les industriels, le camping-car se présente désormais comme « une bulle sanitaire mobile », dixit le leader européen des véhicules de loisirs, le groupe Trigano (CA 2020 : 2,18 Mds € ; 8 600 salariés). Un message de circonstance alors que la pandémie de Covid-19 rebat les cartes du tourisme traditionnel et relance avec vigueur le marché des véhicules de loisirs et des résidences roulantes. D’après l’UNIVDL, le syndicat des véhicules de loisirs, le nombre d’immatriculations de camping-cars et vans aménagés a progressé de 5 % en 2020 par rapport à 2019, malgré la crise sanitaire et les confinements.
Trigano, dont le siège social se situe à Paris et qui a cinq sites en Auvergne-Rhône-Alpes (La Roche-de-Glun et Portes-lès-Valence dans la Drôme, Lamastre et Tournon-sur-Rhône en Ardèche et Panissières dans la Loire) est un des grands gagnants de l’engouement pour le camping-car. Après une chute des revenus de 45,7 % de mars à mai 2020, l’activité des trois mois suivants a rebondi de 34 %. Et la tendance se poursuit sur le premier trimestre de l’exercice 2020-2021 du groupe (septembre à novembre), avec une progression du chiffre d'affaires de près de 29 %.
Concepteur, fabricant et distributeur de véhicules de loisirs, le groupe fondé en 1935 par Edgard Trigano, négociant textile, s’est d’abord positionné sur la vente de toiles de tente et le matériel de camping. Une aubaine à la veille de l'instauration des premiers congés payés. Près de 90 plus tard, Trigano trace sa route, capitalisant désormais sur les véhicules de loisirs – camping-cars et caravanes. 91,5 % du chiffre d’affaires est réalisé sur ce segment porteur. Le solde étant réalisé sur les équipements de loisirs (remorques, équipements du jardin et matériels de camping).
Production intégrée
À Tournon-sur-Rhône (Ardèche), sur l’immense site de Trigano VDL (950 salariés) – équivalent à près de 33 terrains de football –, la production est à flux tendu. « Depuis le début de l’année et l’augmentation des cadences, nous fabriquons 37 camping-cars et 24 caravanes par jour », explique David Frenot, directeur industriel de Trigano VDL. Sur les quatre lignes d’assemblage dont dispose le groupe à Tournon, deux sont réservées aux camping-cars profilés – conçus à partir d’un châssis d’utilitaire sur lequel est fixée une cellule, par opposition au modèle intégral entièrement carrossé – et les deux autres sont dédiées aux caravanes de tourisme et d’habitation pour les gens du voyage. « Concevoir un camping-car, c’est comme fabriquer une petite maison. Nous avons à notre disposition en interne un panel de métiers », précise-t-il.
Sur les quelque 8 600 salariés du groupe dirigé par Stéphane Gigou, les trois quarts des effectifs sont dédiés à des postes de production. Menuisiers, ébénistes, électriciens, plombiers, maroufleurs, mécaniciens, assembleurs et peintres s’activent pour fabriquer les véhicules de loisirs conçus dans les bureaux d’études du groupe. Chaque année, 10 000 véhicules sortent des lignes de fabrication de Tournon, dont les deux tiers sont des camping-cars. « Cette année, nous serons à plus de 10 500 unités pour ce site », note David Frenot.
Au niveau du groupe, présent dans 14 pays, quelque 39 000 camping-cars et 12 000 caravanes sont sortis des lignes d’assemblage en 2020. Signe d’un regain d’intérêt du marché pour les véhicules de loisirs, Trigano a ouvert à la fin de l’été 2020 un nouveau site de production de 10 000 m² en Italie. Dédié aux fourgons aménagés, il permettra d’augmenter les capacités de production de 4 400 véhicules par an.
Approvisionnements maîtrisés
C’est notamment depuis l’Italie que le groupe s’approvisionne en châssis et profilés, qui constituent la base des véhicules de loisirs. « Ici nous utilisons des porteurs Ford et Fiat pour les camping-cars », fait savoir David Frenot, alors que 70 % des bases roulantes proviennent de l’usine italienne Fiat – PSA. Un sourcing depuis l’étranger complété à la fois par des fournisseurs indépendants et d’autres entités du groupe. « L’ensemble des équipements textiles, matelas et coussins proviennent du site de Trigano MDC (60 salariés, NDLR), à Lamastre en Ardèche. Pour les meubles, nous travaillons avec deux menuiseries indépendantes implantées dans le nord de la France », précise-t-il.
Une diversification des sources d’approvisionnement indispensable pour limiter le risque fournisseur en cette période chahutée. « Avec le Covid-19, certaines tensions ponctuelles apparaissent mais cela ne nous empêche pas de monter en volume », tient à rassurer David Frenot. Parfois, la décision d’intégrer la production de certains composants sensibles peut être nécessaire afin de maîtriser la chaîne de production et éviter une rupture d’approvisionnement. Mais le risque peut-être aussi ailleurs : le 9 février 2021, plusieurs sites en France, Italie, Allemagne et Espagne ont été victimes d’une cyberattaque de type rançongiciel neutralisant la production pendant plusieurs jours. Dans un communiqué, le groupe explique être couvert par une police d’assurance des risques cyber pour les pertes d’exploitation subies.
Implantation européenne
Si le marché français reste le plus porteur pour le groupe, représentant près de 28 % du chiffre d'affaires, l’Allemagne est juste derrière (24,5 %), suivi par le Royaume-Uni (12,4 %). L’Europe et le Royaume-Uni forment 93,7 % des ventes. Trigano, fortement implanté en Europe, détient 64 sites de production et entrepôts dans le monde. Cette force de frappe est le fruit des nombreuses acquisitions réalisées depuis la création du groupe. Depuis sa privatisation en 1987, il a procédé à une trentaine d’achats de marques de camping-cars, de caravanes, des distributeurs ou des spécialistes d’accessoires pour véhicules de loisirs.
Une spécialisation qui se ressent dans la gamme de marques. Au total, Trigano fabrique et distribue plus de 70 marques tous segments confondus. Pour celui du camping-car, le groupe décline ses modèles sous 25 appellations différentes commercialisées auprès d'un réseau dense de plus de 1 200 distributeurs. Chausson, Challenger, Benimar figurent parmi les marques phares du groupe.
« Forte saisonnalité » du marché
Cette présence sur tous les segments du marché s’illustre aussi dans une diversité de gammes de produits. « Même si l’année 2020 a été très perturbée, le marché du véhicule de loisirs continue d'avoir une forte saisonnalité, avec un pic à Pâques », note David Frenot.
Pour continuer à satisfaire les clients et s’adapter aux nouvelles exigences d’un public cible dont l’âge moyen se situe autour de 55-60 ans, de nouveaux modèles sortent régulièrement des bureaux d’études. « Chaque année nous procédons à des évolutions ou à des changements plus profonds en fonction des gammes », explique le directeur industriel, qui peut compter sur deux bureaux d’études pour son site ardéchois.
L’engouement pour le camping-car ne reste pour autant pas cantonné aux seniors. De plus en plus de jeunes ou de familles sont attirés par le voyage en camping-car, mais avec des critères différents de leurs aînés. « Cette nouvelle clientèle a tendance à se tourner vers des modèles plus compacts comme les vans aménagés », souligne David Frenot. Moins coûteux à l’achat, les vans aménagés se rapprochent le plus possible des camping-cars traditionnels. « Pour s’adapter à cette cible, nous avons par exemple sorti un camping-car dont la largeur et la longueur se rapprochent de celles d’un fourgon. » Sans que cela soit un défi aisé : « le tout est de parvenir à garder l’habitabilité d’un camping-car dans un format plus restreint », note-t-il.
800 millions d’euros de retombées économiques
Sur les 2,1 millions de camping-cars en circulation en Europe, un peu plus d’un quart le sont en France, d’après des chiffres de la Fédération française des campeurs, caravaniers et camping-caristes (FFCC). Les immatriculations de camping-cars neufs ont progressé de 5 % en 2020, malgré le confinement du printemps, fait savoir le syndicat des véhicules de loisirs, UNIVDL.
Un engouement des Français pour le tourisme en véhicule itinérant qui se traduit par le poids économique que génèrent les vacances en camping-car. Selon la première édition (avril 2020) du baromètre du tourisme en camping-car réalisé par Camping-Car Park, un réseau d’aires d’étapes et d’aires de services, les 500 000 camping-caristes français ont apporté à l’économie nationale environ 800 millions d’euros de retombées économiques pour la saison estivale courant de juin à septembre 2020. En moyenne, un couple de vacanciers en camping-car dépense 52 euros par jour, dont 40 tombent directement dans les caisses des acteurs économiques locaux.
Si la destination France reste privilégiée par plus de 90 % des usagers, la région Auvergne-Rhône-Alpes s’affiche comme la quatrième destination, après la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie. Sur les 13 départements auralpins, ce sont le Cantal, l’Ardèche et le Puy-de-Dôme qui accaparent les intentions de visites des camping-caristes.
Trigano en chiffres
2,18 milliards d’euros. C’est le chiffre d’affaires réalisé par Trigano en 2020, en baisse de 6,2 % sur un an. Dans le détail, 91,5 % des revenus proviennent de son activité véhicules de loisirs. Le solde est fait sur les équipements de loisirs.
9 000 salariés répartis dans 14 pays
3 marchés principaux tirent l’activité de Trigano. La France (27,8 %), l’Allemagne (24,5 %) et le Royaume-Uni (12,4 %) devancent l’Italie (6,4 %), l’Espagne (6,3 %) et la Belgique (4,6 %). Au total, l’Europe concentre 93,7 % du chiffre d’affaires.
139,6 millions d’euros de bénéfice net. Après quatre années de progression du résultat net, l’année 2020 s’affiche en retrait de 16,7 %.
