En plein cœur du confinement, François Guers, dirigeant et actionnaire de WhaTTfornow, jeune start-up de 10 salariés née en mai 2016 en Haute-Savoie qui conçoit et fabrique des vélos électriques haut de gamme (ou e-bikes), a fait l’acquisition de la marque de vélos sportifs Time, détenue par Rossignol. Le géant isérois (CA 2019 : 370 M€ / 750 salariés en France) dirigé par Bruno Cercley avait racheté la marque Time en 2016 à la famille du fondateur, décédé accidentellement à vélo. La pédale automatique conçue et brevetée par l'équipementier devait notamment être un atout indéniable sur le marché du vélo haut de gamme.
Mais Rossignol n’a jamais réussi à faire décoller les ventes et Time est passé de 12 millions d'euros de chiffre d’affaires en 2016 à 5 millions en 2019. Avec la pandémie de Covid-19 et la fermeture des stations de montagne, les carnets de commandes de Rossignol affichent une baisse de 30 % pour le début de l’année prochaine. Le groupe, qui détient déjà les marques de vélos Track et Felt, devait à tout prix s’alléger.
Un process industriel "solide"
Le 20 mars, François Guers se rend à Saint-Jean-de-Moirans, siège de Rossignol. Il est accompagné de spécialistes du retournement d'entreprise : Cédric Bodard, chef du bureau lyonnais d’Eight Advisory, et Aurélien Barrié, avocat associé chez Seigle-Barrié. « L’offre de reprise devait être présentée avant la fin de l’exercice comptable de Rossignol, le 31 mars », rapporte François Guers, ingénieur, spécialiste du lean management et ancien directeur R & D de Salomon Ski.
La décision est prise en 11 jours. Les fondations de Time sont bonnes, selon le repreneur qui juge le process industriel « très solide », avec la conception des pédales fabriquées dans l’usine Rossignol de Nevers, et la production des cadres et fourches en carbone réalisée dans l’usine Carboprax de Gajary en Slovaquie. « Sur le plan industriel, on ne fera pas mieux que Rossignol », concède le dirigeant. Qui entend en revanche déployer une force commerciale plus solide.
Opportunité plus que stratégie
Pour les vélos WhaTT, la méthode de vente passe par l’ouverture, fin juin à Lyon, d’un espace à la fois show-room, centre d’essai et atelier. François Guers mise sur la vente de 200 unités cette année (entre 3 700 et 6 500 euros pièce) soit entre 600 et 800 000 euros de chiffre d’affaires. Pour les vélos Time (vendus entre 5 000 et 10 000 euros l’unité), la prévision de chiffre d’affaires reste stable par rapport à 2019, soit 5 millions d’euros inscrits dans le business plan. Les besoins en financement pour cette acquisition et l’intégration de l’entreprise se montent à 10 millions d’euros. « On se bouscule pour nous prêter de l’argent », assure François Guers.
Alors que les vendeurs de vélos à assistance électrique sont presque à court de stocks dans les métropoles de la région, l’homme admet volontiers que cette acquisition se présente comme une « opportunité, davantage qu’une stratégie anticipée de longue date ». Les deux équipes, soit une vingtaine de salariés, rejoindront en septembre les anciens locaux de Salomon Ski à Rumilly, proposés par le conseil général de Haute-Savoie.
