InExtenso Auvergne-Rhône-Alpes : « C’est le moment de réaliser des acquisitions stratégiques »
Interview # Services aux entreprises # Fusion-acquisition

Christophe del Toso et Jacques Bourbon d'InExtenso Auvergne-Rhône-Alpes InExtenso Auvergne-Rhône-Alpes : « C’est le moment de réaliser des acquisitions stratégiques »

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Le marché de la cession-reprise est en plein doute. Alors que la crise du Covid-19 a fait plonger l’activité de transmission en France de près de 40 % en volume sur un an, Christophe del Toso, directeur associé InExtenso Finance & Transmission pour la région Dauphiné-Savoie, et Jacques Bourbon, président d’InExtenso Auvergne-Rhône-Alpes, livrent leur analyse sur la situation du marché et les évolutions concernant les méthodes de valorisation des PME.

À l’échelle nationale, l’activité de fusions-acquisitions a baissé de 40 % en volume et de 60 % en valeur en 2020 par rapport à 2019 — Photo : DR

Quelle est la dynamique sur le marché de la transmission cette année ? Est-il grippé ?

Christophe del Toso : Après une année 2019 qui avait été particulièrement bonne pour les transactions M & A (fusions et acquisitions, NDLR) avec des niveaux de valorisations très élevées, 2020 est forcément atypique. Lors du premier confinement, le nombre de transactions a chuté en raison de l’impossibilité de rencontrer des partenaires et par l’incertitude de ce qui allait se passer. Le marché est reparti au moment du déconfinement mais nous sommes aujourd’hui à nouveau dans une période floue. À l’échelle nationale, l’activité M & A a baissé de 40 % en volume et de 60 % en valeur par rapport à 2019. On est revenu sur des niveaux de 2018, avec un phénomène en dents de scie.

"Pour les investisseurs, avoir une récurrence de revenus est une garantie dans cette période."

Quels sont les secteurs d’activité les plus impactés ?

Christophe del Toso : Il y a eu peu de transactions en 2020 mais avec des disparités entre secteurs. Certains ont été extrêmement résilients face à la crise et très plébiscités par les acquéreurs, et notamment les fonds d’investissement. Il y a une bipolarité entre des secteurs sinistrés, comme le bâtiment, le transport – à l’exception de la livraison du dernier kilomètre –, la restauration ou le tourisme où il n’y a plus de transactions, et d’autres comme la santé, le numérique, le logiciel, l’agroalimentaire qui restent plébiscités et où les prix se maintiennent à des niveaux élevés.

Jacques Bourbon : Les acteurs de la filière automobile qui travaillent encore sur des véhicules ou des pièces pour les diesels sont à l’arrêt. Ils s’interrogent sur leur avenir. C’est une activité très présente dans la vallée de l’Arve (en Haute-Savoie, NDLR). À l’inverse, les activités disposant d’une récurrence de revenus, comme dans le logiciel par exemple, ont moins d’inquiétudes. Pour les investisseurs, avoir une récurrence de revenus est une garantie dans cette période.

Quelle a été l’attitude des acquéreurs pendant la crise ?

Christophe del Toso : Les fonds d’investissement assez ont peu mis la main au portefeuille pendant la crise et disposent encore de liquidités pour mener des investissements stratégiques. D’où un marché polarisé entre une partie atone et une autre où demeure un bon volume de transactions.

La raréfaction de l’offre associée à l’appétit d’ETI et de grands groupes qui pourraient être tentés de réaliser de bonnes opérations peuvent-ils entraîner une concentration dans certains secteurs ?

Christophe del Toso : De manière générale, les ETI et grands groupes ont des appétits de croissance externe. C’est effectivement le moment de réaliser des acquisitions stratégiques soit en achetant de la technologie, soit en achetant des actifs qui vont permettre de faire pivoter leur modèle économique sur des modèles plus récurrents. Cela peut entraîner un phénomène de concentration. Dans le secteur spécifique du logiciel, pour lequel la région Auvergne Rhône-Alpes est bien fournie, on remarque que dans les sociétés réalisant 5 à 10 millions d'euros de chiffre d'affaires qui n’étaient pas forcément à vendre avant le Covid, les dirigeants se posent davantage la question aujourd’hui.

"On était presque dans une situation spéculative. Le facteur correctif du Covid va quelque part assainir le marché."

Cet « effet d’aubaine » est-il durable ou va-t-il se tasser rapidement ?

Jacques Bourbon : Dans certains métiers, pour aller plus vite il faut croquer ses concurrents. Parmi les dirigeants qui ont souscrit un prêt garanti par l'Etat sans le consommer, certains se disent qu’il pourrait servir dans les prochains mois aussi bien en cas de difficultés que dans le cas d’opportunité de rachat. On observe cette tendance dans les PME matures.

Christophe del Toso : On observe aussi un phénomène d’adossement. Des entreprises qui ont atteint un palier se rendent compte qu’elles ne pourront avancer seule. Deux options s’ouvrent à elle, soit elles font entrer un fonds d’investissement au capital pour faire de la croissance organique ou externe mais qui suppose un niveau de risque important. Soit, elles se rapprochent d’un partenaire industriel qui va leur apporter à la fois les capitaux et la connaissance d’un marché. Leur stratégie repose davantage sur une volonté de grandir ensemble.

La crise du Covid a-t-elle eu un impact sur les valorisations ?

Christophe del Toso : Il est difficile de dire que les pratiques ont changé. En revanche, en regardant ce qu’il se passe sur les sociétés non cotées en Europe, après s’être effondré de 10 à 15 % pendant le premier confinement, le multiple transactionnel est remonté à son niveau de 2019, autour de 10, soit une valorisation à 10 fois la valeur de l’Ebitda. En regardant seulement cet indicateur, les valorisations n’ont pas baissé. Mais cela peut être trompeur parce qu’il y a une baisse importante du nombre de transactions et les transactions qui ont eu lieu concernaient des secteurs non touchés par la crise et qui ont plutôt tendance à être survalorisés.

"Faire un business plan est toujours compliqué mais il l’est encore plus après une telle année et au vu de l’incertitude."

Sur le moyen terme, on se dirige vers une tendance baissière mais qui, quelque part, n’est pas néfaste puisqu’on est à des plus hauts historiques. On n’a jamais été plus haut que 10 fois l’Ebitda pour des transactions de PME, sauf pour des secteurs comme la santé ou l’informatique. On était presque dans une situation spéculative. Le facteur correctif du Covid va quelque part assainir le marché.

Qu’en est-il alors des méthodes de valorisations ?

Christophe del Toso : Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a certaines méthodes que l’on va difficilement pouvoir appliquer, notamment en raison des pertes de l’année, qui vont influer sur la rentabilité. Les spécialistes commencent à parler d’un retour aux méthodes basées sur des flux futurs qui ont malgré tout des biais parce qu’il est difficile de demander à une PME de faire un business plan à cinq ans dans des secteurs où il y a peu de récurrence de revenus.

Jacques Bourbon : Faire un business plan est toujours compliqué mais il l’est encore plus après une telle année et au vu de l’incertitude. Une certaine prudence s’impose.

# Services aux entreprises # Fusion-acquisition # Capital # Conjoncture