Lyon
Hervé Legros (Alila) : « Autodidacte, je sais mes limites et m'entoure des meilleurs »
Interview Lyon # Immobilier

Hervé Legros (Alila) Hervé Legros (Alila) Hervé Legros (Alila) : « Autodidacte, je sais mes limites et m'entoure des meilleurs »

S'abonner

Hervé Legros est à la tête d'Alila, le premier promoteur privé de la région lyonnaise. Cet autodidacte qui a décroché de l'Éducation nationale après un CAP de plomberie dévore les biographies et construit son ascension en s'appuyant sur une équipe de surdiplômés. À 33 ans, il vise pour son groupe spécialisé dans la construction de logements sociaux une ascension mondiale.

Hervé Legros est le président et fondateur d'Alila Promoteur — Photo : DR

Sur quelles fondations est bâtie votre réussite entrepreneuriale ?

J'ai toujours voulu m'entourer des meilleurs. Quand vous savez vous avouer que vous n'avez pas les connaissances, qu'y a-t-il de mieux, pour ne pas faire d'erreur, que de choisir les meilleurs conseillers ? C'est ce que j'ai fait en m'entourant des meilleurs notaires, avocats, partenaires. Du coup, j'ai l'impression de faire quelque chose de très simple parce que j'ai toujours su m'entourer de gens qui m'ont fait grandir.

Vous êtes agile en somme !

La principale qualité de l'autodidacte, l'une de mes principales qualité en tout cas, c'est d'écouter, de chercher l'information. Non seulement je n'ai pas peur d'embaucher des professionnels meilleurs que moi, plus compétents, mais je ne suis entouré que de ceux-là. D'ailleurs j'adore discuter avec eux, notamment les ingénieurs qui sont formatés pour raisonner d'une certaine façon. Et très souvent, sans suivre le même raisonnement, nous arrivons aux mêmes conclusions.

Pourquoi l'Éducation nationale vous a-t-elle perdu ?

L'Éducation Nationale a voulu me faire rentrer dans un moule qui n'était pas le mien. Quand on est élève on doit rentrer dans un cadre et si on n'y parvient pas on est exclu. Les entrepreneurs sont souvent des ex-élèves qui étaient fâchés avec l'Éducation nationale ! Je regrette que la culture de l'entrepreneuriat ne fasse pas partie des fondamentaux de l'école. Ce sont pourtant des valeurs nobles : l'initiative, la prise de risque, et même le fait de gagner de l'argent et créer de l'emploi. Aujourd'hui on valorise le salariat et on décourage la prise de risque, car la peur de l'échec paralyse. Notre Éducation nationale est le reflet de notre société française, très négative.

À quel moment avez-vous décroché ?

Dès le départ ! Et ce n'est pas que l'école ne m'intéressait pas, d'ailleurs aujourd'hui je cultive auprès de mes enfants le goût de l'apprentissage. Mais la méthodologie je crois n'était pas faite pour moi. Selon mes enseignants, j'étais même « retardé ».

En tant que manager comment gérez-vous une équipe qui peut se dire « nous sommes plus compétents que lui » ?

Mon parcours donne de la crédibilité à mon discours. J'ai monté les marches les unes après les autres pour gagner mon autorité. Quand j'ai débuté, mon vrai patron c'était mon banquier, il fallait le convaincre, avancer par étapes. Aujourd'hui, vous parlez à quelqu'un qui n'a qu'un CAP de plomberie. Et je me considère en apprentissage permanent, même si j'ai 740 millions d'euros en portefeuille d'activité et 271 millions d'euros de chiffre d'affaires. J'aime apprendre.

Comment cultivez-vous cet apprentissage quotidien, prenez-vous des cours, assistez-vous à des conférences ?
Rien de tout cela. Vous avez encore à faire à un très mauvais élève ! Je n'aime pas être assis sur une chaise plus de deux heures, je me déconcentre, il m'est impossible de rester une journée entière à écouter un cours. Mais je percute vite, je vais à l'essentiel. Je lis énormément. Notamment des biographies J'ai lu "La voix du pirate" de Xavier Niel et l'ouvrage sur Bernard Arnault.

Les grands patrons vous inspirent !

Les grands patrons, leur réussite et aussi leurs échecs. En réalité ce qui me fascine le plus ce sont les échecs : pourquoi va-t-on dans le mur, qu'est-ce qui n'a pas été perçu et qui conduit à se tromper ? Et puis évidemment je suis bluffé par ceux qui ont connu l'échec, qui se relèvent et finissent par réussir.

De quoi avez-vous parlé avec Xavier Niel lors de votre première rencontre ?

C'est une personne comme moi, une personne " du bas ". C'est aussi pour cela que je l'apprécie. On a parlé business et aussi télé, car il m'avait vu sur BFM Business ! La légitimité de cette personne est incontestée. Aujourd'hui tous les candidats à la présidentielle se battent pour s'afficher dans son école. Il a cassé des codes, et cela m'inspire aussi dans la construction de ma propre entreprise. J'ai le sentiment, comme lui, de casser des habitudes.

Quelle est la singularité de votre groupe ?

Je revendique d'être le " Free " du logement social ! Je vends peu cher de la qualité. Concrètement, nous intervenons en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) c'est-à-dire que nos clients acquièrent un bien immobilier en cours de construction que nous nous engageons à lui livrer clés en main. Nous signons des contrats de réservation au moment du dépôt de permis de construire (sur des terrains privés) et nous vendons 18 mois plus tard. Nous n'avons pas droit à l'erreur en ce qui concerne le coût technique.

Pourquoi le logement social ?

Comme simple agent immobilier, je m'y suis intéressé par hasard, en 2006/2007 et assez vite je n'y ai vu que des avantages. La faible concurrence d'abord : il n'y avait à l'époque aucun promoteur spécialisé dans les logements sociaux. En fait, mes concurrents sont mes clients : construire des logements sociaux, ils savent faire. Ce sont des bâtisseurs eux aussi mais ils ne se suffisent plus, il faut aller plus vite. Et c'est ainsi qu'ils font appel à nous.

Quel est votre business model ?

Nous n'avons pas de service commercial, notre vecteur de communication ce sont nos inaugurations. Nous nous obligeons à être au-dessus des normes imposées, notamment en ce qui concerne l'isolation ou l'énergie, nous sommes 20 % au dessus de la norme RT 2012, les programmes sont faits sur mesure. Nous construisons en déléguant à plus d'une centaine d'entreprises locales, à qui nous demandons des garanties sur la non-utilisation de travailleurs détachés. Nos logements sont conçus pour des familles, avec des grandes pièces et non des logements pour des investisseurs. Et nous vendons à 2.200 euros du mètre carré, un prix très faible sur le marché.

Rien de révolutionnaire en somme ?

Nous sommes novateurs car occupons un créneau délaissé par les promoteurs, qui ont tendance à bâtir des logements collant aux différentes lois de défiscalisation, De Robien, Pinel etc. Ils ont considéré le logement social comme un caillou dans la chaussure.

Quelle est l'actualité d'Alila ?

En 2015 et 2016 nous avons ouvert des agences en région, Paris, Bordeaux, Strasbourg et Nantes, ce qui explique en partie la croissance de notre chiffre d'affaires. Et je vise une ouverture à Nice et Montpellier dans les mois qui viennent.

Le très fortuné Donald Trump est désormais président des États-Unis. Rêveriez-vous comme lui un jour de faire de la politique ?

Avoir une entreprise et faire de la politique ne me paraît pas possible. Mais ce ne sont pas des questions que je me pose. Moi j'aime les gens efficaces, pragmatiques et je ne porte pas de jugement sur l'action politique.

Vous dirigez pourtant une entreprise qui est au cœur d'un enjeu important, le logement...

En effet et à ce titre Alila aura un rôle à jouer pendant la campagne. Nous avons publié un manifeste au mois de septembre sur « 2 millions de concitoyens n'en peuvent plus d'attendre » en communiquant partout. Et on réitérera cette action pendant la campagne pour toucher les candidats. Pour mettre la question du logement social au centre du débat. À mon sens, la question du chômage ne se résoudra pas sans résoudre celle du logement. Comment voulez-vous que les gens trouvent un boulot s'ils n'ont pas de toit ?


Où serez-vous dans 20 ans, à 53 ans ?

J'aimerais porter un groupe international, je ne me fixe pas de limite. J'ai beaucoup d'envie, de l'humilité aussi je crois car je veux développer mon groupe sans perdre mes fondamentaux ou mes valeurs mais je suis aussi extrêmement ambitieux.

Jusqu'où vous portera votre ambition ?

Ce serait vous mentir que de dire que je ne veux pas déplacer des montagnes mais je veux les déplacer correctement. On aime ou pas ma réussite, on peut me jalouser, on peut me critiquer, dire que je vais beaucoup trop vite mais aujourd'hui j'ai l'impression d'oeuvrer pour le bien commun. L'autodidacte que je suis se met lui-même des barrières. J'ai connu l'échec et j'en ai peur, alors j'aime être bien entouré, faire les choses correctement pour aller le plus loin possible.

Lyon # Immobilier