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Hervé Kratiroff (Solexia) : le capital-risque dans la peau
Portrait Lyon # Agroalimentaire

Hervé Kratiroff (Solexia) : le capital-risque dans la peau

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Il se dégage de ce dirigeant-là une simplicité non feinte, un rapport avec l’argent et le pouvoir peu communs. Hervé Kratiroff, président du fonds de capital-risque lyonnais Solexia, détient 83 % du capital d’un groupe de 10 entreprises, pesant 86 millions d'euros de chiffre d’affaires avec 374 salariés. Portrait d'un dirigeant qui fonce prudemment.

Hervé Kratiroff président-fondateur de Solexia puise dans ses racines de petit-fils d'émigrés (Russe par son père, Italien par sa mère), le sens de l'aventure et des responsabilités — Photo : Solexia

Chez Solexia, pas de start-up ni de concept fumeux. Mais des entreprises qui vendent de la volaille, des gratons, des jus de fruits et du saucisson. Les équipes sont dans le Nord-Isère (Le Graton Lyonnais CA 2019 : 4 M€), à Saint-Symphorien-sur-Coise (Maison Chillet CA 2019 : 9,3 M€), ou dans le Puy-de-Dôme à Isserteaux (Sedivol : CA 2019 : 5,6 M€). Dernière acquisition en date de ce fonds lyonnais d’investissement entrepreneurial : la société Allier Volailles à Escurolles (03), troisième société dans la filière des volailles de la région Auvergne aux côtés de Vey (rachat en 2008) et de Sedivol (rachat en 2018). Grâce à ce rachat en janvier 2020, Solexia, présidée par Hervé Kratiroff, atteint 86,7 M€ de chiffre d’affaires.
Si les racines d’Hervé Kratiroff sont bien loin de ces terres rurales, la volonté d’entreprendre est dans son ADN. Son grand-père paternel, russe blanc, a fui son pays en 1917, devenant ouvrier chez Berliet, à Vénissieux. Ses grands-parents maternels, commerçants, sont des Napolitains arrivés dans les années cinquante à Lyon. Étudiant à Lyon 2, il utilise son temps libre – et des prêts étudiants - à retaper des studios pour les louer et se constituer un patrimoine. Jusqu’à créer, encore étudiant, sa petite entreprise de rénovation, avec trois salariés. « Ce qui m’a valu d’être réformé du service militaire pour motif économique », sourit-il.

Du mauvais côté de la barrière

Diplômé d’un DESS évaluation et transmission des entreprises en 1992, il effectue un stage de 6 mois à la Banque de Vizille. Mais comprend qu’il n’est pas « du bon côté de la barrière ». En 1997, il lance le groupe Valorel, spécialisé dans l’achat et la rénovation d’immeubles.
Tenté par la politique, l’homme est adjoint au maire (commerce et artisanat) dans le 6e arrondissement de 1995 à 2001. Puis, déçu par un univers « emprunt de clientélisme et d’ambitions personnelles », il devient administrateur bénévole chez Alliade Habitat. Et démissionne au bout de six mois.

« Un gamin de Lyon, même pas du métier »

Redoutant un retournement de conjoncture dans l’immobilier, l’entrepreneur cherche à se diversifier. Il sollicite alors les conseils d’Alain-Charles Martinet, son mentor rencontré à l’université. Lequel trace pour lui la matrice de ce que sera le groupe Solexia créé en 2005 : des entreprises aux métiers simples et stables. Sans effet de mode. Avec une dilution de clientèle forte, une proximité géographique et pas de dépendance fournisseur. Avec un chiffre d’affaires entre 4 et 15 M€ et 60 salariés au maximum. « Alain-Charles me convainc que le secteur d’activité n’a pas d’importance », se souvient-il.

Hervé Kratiroff (à droite), président et fondateur de Solexia en 2005 rejoint par Eric Versini, directeur général de Solexia, en 2007 — Photo : Solexia

En 2003 à 34 ans, il hypothèque donc sa résidence principale et achète Salaisons du Val d’Allier (CA 2019 : 16,70 M€). À l’époque, « l’équipe a eu peur en voyant arriver un gamin de Lyon et même pas du métier », sourit le dirigeant, qui apprend alors à découper un porc pour comprendre ledit métier.
Faut-il croire un dirigeant qui se revendique « proche de ses équipes », « sans vision financière », « toutes les semaines sur le terrain » ? Ce dirigeant-là, on se surprend à le croire.
Depuis 2007, il travaille en tandem avec Eric Versini, qui a la même vision des choses. Par exemple, Solexia ne négocie jamais le prix proposé par le cédant. À raison d’une acquisition par an, et d’un chiffre d’affaires passé de 55 à 85 M€ en deux ans, Solexia prend vite de l’ampleur. Deux directeurs rejoignent donc les équipes. « Je réglais les problèmes à la vitesse de l’éclair, explique Hervé Kratiroff, les équipes n’osaient plus me déranger. Or j'ai la conviction que c'est en étant à l'écoute qu'un dirigeant fait avancer son entreprise ».

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