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François Pralus : « Je ne veux pas de syndicat dans mon entreprise »
Loire # Agroalimentaire

François Pralus : « Je ne veux pas de syndicat dans mon entreprise »

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À 57 ans, François Pralus est à la tête de l'entreprise roannaise éponyme (110 salariés ; CA 2015 : 10 millions d'euros). Détenteur de la recette de la célèbre praluline (brioche aux pralines), amoureux du chocolat, il est un des derniers chocolatiers français à transformer les cabosses.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Votre père était boulanger pâtissier... C'est lui qui avait inventé, dans les années 60, la Praluline, cette fameuse brioche aux pralines qui a fait connaître votre nom dans la France entière... Votre avenir était donc tracé ?

François Pralus : Avec mes frères et soeurs, nous avons évidemment baigné dans cette ambiance de chocolats et de gâteaux toute notre enfance. Nous traînions dans les laboratoires, nous faisions des gâteaux à la maison. Je me suis retrouvé en pension dès l'âge de neuf ans parce que j'étais turbulent et que les études ne m'intéressaient absolument pas. Je voulais seulement faire de la pâtisserie. J'ai fait ce que j'ai pu, j'ai eu mon brevet et c'était bien suffisant. Vers l'âge de 16 ans, j'ai décidé de me lancer en apprentissage avec mon père. C'était compliqué car il attendait plus de moi que de n'importe quel apprenti ! À 18 ans, mon père m'a envoyé chez Bernachon à Lyon. C'est là que j'ai découvert les fèves de cacao, la torréfaction, le conchage... Avec ces sacs en provenance du Ghana, de la Côte d'Ivoire..., j'ai immédiatement été passionné par ce métier de chocolatier ! Transformer cette matière brute qui vient du bout du monde, c'est un délice exceptionnel...

Cela fait donc presque 30 ans que vous êtes à la tête de cette entreprise. Elle est devenue une institution à Roanne et dans la région...

F.P. : C'est vrai... Nous sommes passés d'un tout petit local de 25 m² avec 8 salariés à 3 000 m² aujourd'hui, en nous diversifiant sur le chocolat. J'avais gardé cette idée en tête depuis mon passage chez Bernachon, je l'ai mise en oeuvre dès que j'ai repris l'entreprise. Aujourd'hui, j'ai acquis une vraie reconnaissance. Il faut dire que nous sommes très peu à transformer les fèves de cacao. Ici, nous fabriquons tout le chocolat, les pralines... C'est ensuite expédié dans nos magasins et chez nos clients.

A vous entendre, il semble que le développement ait été plutôt facile ?

F.P. : Oh non... Il y a plusieurs périodes difficiles. Au milieu des années 2000 par exemple. Nous étions en forte croissance, avec l'ouverture de plusieurs magasins, un chiffre d'affaires qui explosait mais un besoin en fonds de roulement important. Ma trésorerie était très mauvaise !

Comment êtes-vous sorti de cette impasse ?

F.P. : Ce sont mes banquiers qui m'ont sorti, à coups de pieds aux fesses. J'étais à découvert de 150 000 euros, ils ont dénoncé les comptes. Heureusement, d'autres comme le Crédit Agricole et le CIC m'ont tendu la main. Sans eux, l'histoire Pralus aurait été terminée. J'ai fait appel à un gestionnaire. Nous avons revu le fonctionnement de l'entreprise, la courbe s'est inversée... Mais tout n'a pas été parfait pour autant. J'ai connu d'autres moments dont je me serais bien passé.

Je me suis trompé en lançant des franchises par exemple. Elles ne respectaient pas nos exigences de qualité et abîmaient notre image de marque. J'ai perdu beaucoup de temps et d'argent avec cette histoire. J'ai préféré tout stopper en 2004 pour reprendre le développement des magasins en propre. J'ai acheté mon premier magasin à Paris en 2008.

Combien de magasins aujourd'hui ?

F.P. : Huit. En début d'année prochaine, nous en aurons deux de plus avec l'ouverture d'une troisième boutique à Lyon (quartier Saint-Jean) et la première à Saint-Étienne, rue Michelet (500 000 euros d'investissement en moyenne et 6 salariés pour chaque ouverture NDLR). Aujourd'hui, nous sommes à 10 millions d'euros de chiffre d'affaires au total avec un résultat net de 350 000 euros, et nous attendons 12 millions d'euros pour l'année prochaine. Chaque ouverture de magasin nous fait avancer d'un pas.

Vous avez 110 salariés répartis sur plusieurs sociétés. Pourquoi ce choix complexe de gestion ?

F.P. : Je crée effectivement une société pour chaque magasin. Pourquoi ? C'est très clair, je ne veux pas de syndicat chez moi. Je maintiens chaque organisation à moins de 50. Quand les syndicats mettent les pieds dans une entreprise, c'est la catastrophe. Excusez-moi du terme mais ce sont des fouteurs de merde. Ils arrivent même à faire couler des entreprises. À Roanne, les exemples sont nombreux. À 57 ans, je ne veux pas de syndicaliste dans ma boîte. C'est épidermique.

Vos salariés sont d'accord ?

F.P. : Je n'en sais rien et je m'en fiche. L'ambiance est excellente. Nous avons des délégués du personnel, tout se passe parfaitement bien. J'apprécie beaucoup mon personnel, je suis avec mes salariés tous les jours au laboratoire, je vais dans les magasins. Nous plaisantons. Quand je peux, je leur rends service en leur avançant de l'argent, en les consolant même parfois... Je sais le dire quand le travail est bien fait. Je peux donner un treizième mois de primes à quelqu'un que j'ai vu travailler beaucoup pendant l'année. D'ailleurs, je pense qu'il faudrait réduire les charges patronales pour basculer cet argent sur le salaire net des employés. Bref, je suis très proche de mes salariés, mais je ne veux pas de syndicat. Point final.

A vous entendre, on décèle une approche très paternaliste de votre rôle de chef d'entreprise...

F.P. : Oui, complètement. J'assume. Je règle des problèmes personnels. Ça fait partie du job. Quand je recrute, je préfère avoir des gens sympas que des surdiplômés. Je les prends en intérim en CDD ou en intérim pendant 12 à 14 mois systématiquement et je vois comment ils s'intègrent au groupe. Une brebis galeuse a vite fait de plomber une ambiance. Et si elle est embauchée en CDI, avec le système français, on ne peut plus s'en débarrasser. Vous n'avez pas fait de longues études, comment avez-vous appris à gérer votre entreprise ? Et bien..., disons que j'ai appris en faisant. Et puis, je délègue beaucoup, j'ai fait appel à un gestionnaire financier.

Vos objectifs pour le développement de votre entreprise ?

F.P. : La priorité est le développement des boutiques. J'ai 57 ans, je peux ouvrir deux ou trois magasins par an jusqu'à ma retraite, vers 65 ans. Ensuite, un de mes fils devrait me rejoindre. Il a un Bac + 5 mais il faudra qu'il apprenne le métier. Il va d'abord voyager un peu avant de revenir dans les pattes de son père...

Vous avez une toute petite exploitation de cacao à Madagascar depuis 2004, c'était un caprice ?

F.P. : Oui, j'avoue ! Mais cela a représenté une aventure extraordinaire, le choix du terrain, la mise en place... On produit peu au final. J'achète 30 tonnes de cacao à Madagascar et je produis seulement une tonne. C'est ma danseuse... Certes, c'est une bague au doigt, elle n'est pas rentable parce qu'elle est trop petite (17 hectares), mais je me fais plaisir. Cette exploitation est une vraie fierté pour moi, une belle aventure humaine. Et puis, c'est un formidable objet de com'qui m'a permis d'avoir d'énormes retombées médiatiques.

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