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Esker : « À l’international, les mauvaises aventures arrivent vite »
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Jean-Michel Bérard PDG d'Esker Esker : « À l’international, les mauvaises aventures arrivent vite »

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Depuis plus de 30 ans, Jean-Michel Bérard pilote le groupe lyonnais Esker, spécialisé dans l’édition de solutions en mode Saas. Il génère près de trois quarts de son chiffre d'affaires de 76 millions d’euros hors de France. Au travers des expériences de son groupe, le coprésident du cluster numérique Digital League distille sa stratégie pour réussir à l'international.

Pour le PDG d'Esker, il y a généralement trois façons pour ouvrir un bureau à l’international, « en partant de zéro, en recrutant des partenaires locaux (via une joint-venture) ou en achetant une structure déjà existante ». — Photo : REA

Le Journal des Entreprises : Vous venez d’ouvrir un douzième bureau international, à Hong Kong (le troisième en Asie, après ceux de Kuala Lumpur et de Singapour). Quels sont vos critères pour décider d’une nouvelle implantation hors de France ?

Jean-Michel Bérard : C’est le marché qui décide. Lorsque nous avons des demandes répétées sur telle ou telle zone, ou des retours de clients satisfaits que nous accompagnons à distance, on se dit alors qu’il est temps d’être sur place. Concrètement, dès que nous avons 5 à 10 clients, nous étudions la destination. Ce qui a été le cas pour Hong Kong. Cette nouvelle implantation nous permet également de sonder les marchés japonais et chinois, très prometteurs sur notre segment, mais que nous ne servons pas encore aujourd’hui.

Vous attendez donc toujours le "feu vert" de vos clients pour vous implanter…

J.-M. B. : Oui et c’est généralement plus prudent. Sauf exception, à l’instar de notre filiale singapourienne, que nous avons créée de zéro en 2008. C’était risqué. Nous avons bien démarré, avec un contrat immédiat avec Samsung, mais la suite a été plus difficile. Pendant cinq ans, ce bureau n’a pas été rentable. Il faut pouvoir accepter ce type de scénario et avoir suffisamment de trésorerie, ce qui n’est pas toujours évident.

« Dès que nous avons 5 à 10 clients, nous étudions la destination. Ce qui a été le cas pour Hong Kong où nous venons d'ouvrir un bureau. »

Quel statut juridique privilégiez-vous pour ce type d’implantation ?

J.-M. B. : Il y a généralement trois façons pour ouvrir un bureau à l’international. En partant de zéro, en recrutant des partenaires locaux (via une joint-venture) ou en achetant une structure déjà existante. Nous avons pratiqué les trois modèles. Tout dépend des circonstances, du marché et du stade de maturité de l’entreprise.

Au tout début d’Esker, nous avons créé ex nihilo toutes nos filiales européennes. C’était alors très peu risqué. Mais ce modèle d’expansion n’a pas fonctionné lorsqu’en 1991, nous avons attaqué le marché américain par la Californie. Nous avons galéré pendant plusieurs années n’arrivant pas à dégager de revenus suffisants, ni même à recruter les bons profils. Nous étions trop petits et donc invisibles sur ce marché gigantesque. Mais lors de notre entrée en Bourse six ans plus tard, nous avons changé de braquet, optant pour une stratégie d’acquisitions. Au total, nous avons racheté quatre structures, ce qui nous a permis d’atteindre une taille critique suffisante sur place. Le business a alors décollé. Aujourd’hui, les États-Unis génèrent 42 % de notre CA.

Vous avez étudié, pendant plus d’un an, de possibles implantations en Afrique du Nord, avant finalement de faire marche arrière. Pourquoi ?

J.-M. B. : Nous avons effectivement fait des tentatives au Maroc, en Tunisie et en Algérie. Mais nous ne sommes pas allés au bout, comprenant finalement que les besoins sont beaucoup trop limités dans ces pays. Les cycles de vente y sont par ailleurs interminables. Ce genre de mauvaise aventure arrive vite, il faut savoir s’y préparer. En tout cas, ça nous a fait réaliser que ces marchés n’étaient pas pour nous, à la différence de l’Europe de l’Est qui nous intéresse beaucoup, en particulier la Hongrie, la Tchéquie, la Pologne, mais aussi la Scandinavie. Ce sont de belles zones de croissance pour nous.

« Si l’on veut faire de l’international, il faut se structurer en fonction de cet objectif. »

Quels conseils donneriez-vous à une TPE-PME qui cherche à s’ouvrir sur l’international ?

J.-M. B. : Je crois en une recette que nous appliquons qui est celle de ne pas avoir de direction export. Pour le cas d’Esker, cela signifie que la filiale française est indépendante de la société-mère. Cette filiale est « traitée » de la même manière que toutes les autres à l’international. Il n’y a donc pas d’un côté la France et de l’autre l’export. Si l’on veut faire de l’international, il faut se structurer en fonction. Un autre exemple : tout document que nous produisons est d’abord distribué en anglais, afin que tout le monde en interne y ait accès au même moment. Enfin, au niveau de la gouvernance, nous avons mis en place un comité exécutif franco-américain.

Comment décidez-vous de la stratégie internationale du groupe ? Avez-vous le « dernier mot » ?

J.-M. B. : Je ne suis pas le seul à décider, c’est un process collaboratif. En revanche, j’ai fait le choix de m’occuper en direct de nos implantations en Asie. Cela me permet, en tant que PDG, de rester en contact direct avec nos clients sur place.

Avez-vous dès les débuts d’Esker en 1985 privilégié l’international ?

J.-M. B. : Oui, absolument. Quand vous êtes installé à Lyon, comme c’est le cas d’Esker, il est préférable de viser très tôt l’international. Sinon, vous prenez le risque d’être aspiré par Paris.

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