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Émeline Baume de Brosses : « La Métropole de Lyon n'est ni une banque, ni un fonds, ni un lobby »
Interview Lyon # Services # Collectivités territoriales

Émeline Baume de Brosses première vice-présidente de la Métropole de Lyon Émeline Baume de Brosses : « La Métropole de Lyon n'est ni une banque, ni un fonds, ni un lobby »

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Des parents paysans dans l’Ain mais portant des titres de noblesse, un triple bac + 5 en biologie, communication et économie... Émeline Baume de Brosses vient d'être nommée première vice-présidente de la métropole de Lyon en charge de l’économie, de l’emploi, du commerce, du numérique et de la commande publique. La quadragénaire parle « transition », « impact » et « résilience territoriale ». Celle qui vient de passer 12 ans comme membre de la commission économique de la collectivité lyonnaise ne se laisse pas submerger par la pression et assure pouvoir porter tous les sujets qui lui incombent sans flancher.

— Photo : @ Lyon Métropole

Le Journal des Entreprises : Les acteurs économiques lyonnais ont très envie de faire votre connaissance et ont besoin d’être rassurés quant à vos projets les concernant, est-ce au programme ?

Émeline Baume de Brosses : Nous avons fait l’objet d’attaques excessives venant de patrons - et non de patronnes - qui se sont permis d’exprimer des assertions absolument fausses. Cela ne s’était jamais vu dans une campagne électorale ! Jamais nous ne nous serions permis d’avoir un mot plus haut que l’autre vis-à-vis d’organisations économiques parce que l’on respecte la liberté entrepreneuriale. Coopérer avec la métropole passe a minima par du dialogue et de la coopération, et quand on fait preuve de méfiance excessive, ce n’est pas l’idéal. Cela dit, bien volontiers pour une rencontre mais personne ne m’a fait part de l’envie de me rencontrer !

Vous prenez les rênes d’une très grande délégation : l’économie, l’emploi, le commerce, le numérique et la commande publique. Dans quel état d’esprit abordez-vous votre rôle de première vice-présidente ?

Émeline Baume de Brosses : Je veux passer d’un projet à sa mise en œuvre. Mon portefeuille est vaste en effet, mais j’aborde cette vice-présidence dans l’idée de mettre en action nos orientations dans une logique transversale : il faut changer d’échelle, soutenir l’innovation sociale et faire en sorte que toutes les filières — numérique, commerce etc. en ce qui me concerne - raisonnent de façon transversale dans une logique de transition écologique.

Vos décisions seront donc prises et conditionnées par le facteur « transition écologique » ?

Émeline Baume de Brosses : Absolument, tout sera étudié sous le prisme de l’impact social et environnemental et de la résilience territoriale. Lyon Métropole n’est ni une banque, ni un fonds d’investissement ni un lobby. La question sera donc de voir en quoi les outils de la collectivité, le foncier, l’aide au fonctionnement, l’aide à l’investissement, le partenariat public privé, le fonds d’amorçage peuvent être mobilisés pour permettre aux acteurs de la filière économique de raccourcir et intensifier leur chaîne de valeur afin de créer de l’emploi et pour éviter la sous-traitance à l’autre bout du monde.

L’un des leviers de croissance des entreprises aujourd’hui, notamment industrielles, c’est justement l’international. Les congrès, le marketing territorial international, la recherche d’attractivité internationale… Ces enjeux vont-ils disparaître de la matrice métropolitaine ?

Émeline Baume de Brosses : Avec la crise sanitaire, tout le monde a compris qu’il faut raccourcir et intensifier les chaînes de valeur sur les questions sanitaires, alimentaires énergétiques, industrielles… La transition, ce n’est pas la révolution, on montre le chemin et on se fixe collectivement les étapes. On ne va pas dire « stop » aux congrès et salons qui sont prévus fin 2020 début 2021. Mais se poser la question de leur pertinence et de leur impact sur le territoire.

Début janvier se tient le salon international de l’hôtellerie et de la restauration, le Sirha, véritable vitrine mondiale pour Lyon… Est-il immuable à Lyon ?

Émeline Baume de Brosses : Forcément qu’en début de mandat, ce salon, tout comme Pollutec, seront toujours là. Le sujet, en l’occurrence pour le Sirha, ce n’est pas tant de l'accueillir ou pas, c’est plus de savoir ce que cela apporte au territoire, comment il irrigue au-delà de la métropole. En quoi ces salons permettent-ils à des acteurs de se rencontrer, de se fédérer et de résoudre ces problèmes ? Peut-être que c’est un bon outil mais je ne suis pas capable de le dire maintenant. Je le dirai après consultation des acteurs de la filière, avec le président de la métropole et le vice-président chargé du dossier.

Invitez-vous les Grands Lyonnais à se recentrer sur leur territoire, à fonctionner en autarcie pour moins dépendre de l’international ?

Émeline Baume de Brosses : Je ne parle pas d’autarcie mais de souveraineté. Je le dis aux organisations économiques : augmentons les coopérations territoriales en France et en Europe, c’est ce qui est pertinent pour atteindre une indépendance sanitaire, alimentaire, industrielle. Évidemment, chaque entrepreneur est responsable de son organisation, mais je les invite à regarder ce qui est pertinent socialement et pour l'environnement. La rentabilité économique s’adosse à une réalité pragmatique, physique, qui passe par l’accès aux ressources, aux travailleurs ou aux matières premières. Même les grands groupes ont des plans de transitions eu égard aux incertitudes, ce n’est pas faire preuve de naïveté.

Est-ce que l’agence de l’attractivité de la région lyonnaise, l’Aderly, a des inquiétudes à avoir concernant la mission qui sera la sienne demain ?

Émeline Baume de Brosses : Il faut auditer, évaluer les missions données à cette structure et regarder en quoi elle peut travailler mieux et davantage sur les questions de résilience territoriale. L’attractivité, c’est la justice sociale, où chacun peut avoir un emploi, si possible utile socialement et pour l’environnement, où l’on peut se déplacer, respirer, avoir accès à une alimentation de qualité à un coût normal, avoir une place en crèche. Et ce n’est pas d’avoir forcément d’attirer les plus grands sièges sociaux chez nous, même si on ne va évidemment pas les mettre dehors.

Des projets peuvent-ils être remis en cause dans la Vallée de la Chimie ?

Émeline Baume de Brosses : Nous avons la chance d’être sur un territoire de polyvalence industrielle, c’est précieux. On est là en plein dans le sujet de la résilience et celui de la souveraineté. Nous sommes responsables, il n'est pas question de déménager les industries polluantes chez les voisins. En revanche, le sujet c’est, avec les activités industrielles présentes, d’aller vers davantage d’efficacité énergétique et vers la low-tech, les technologies sobres.

Comment voyez-vous l’avenir de l’aéroport de Lyon ?

Émeline Baume de Brosses : À l’échelle du territoire, a-t-on besoin d’autant d’infrastructures aéroportuaires ? Andrézieux, Saint-Exupéry, Grenoble, Genève… N’y a-t-il pas de possibilité de mieux coordonner, mutualiser ? Ceci dit, je rappelle que nous sommes contre le développement des vols intérieurs et le fret aérien. Nous favoriserons le rail.

Comment vont évoluer les relations avec Saint-Etienne, métropole présidée par Gaël Perdriaux, élu LR ?

Émeline Baume de Brosses : Quand bien même nos territoires n’ont pas la même couleur politique, nous sommes élus pour travailler au bien-être des habitants, des entrepreneurs, des salariés. Notre priorité c’est le projet et non les personnes. Ce sera plus simple de coopérer avec Grenoble qu’avec Saint-Etienne, mais nous espérons des relations simples et saines avec Saint-Etienne et les élus du territoire.

Quelles actions rapides allez-vous conduire pour soutenir les entreprises en difficulté ?

Émeline Baume de Brosses : On va regarder de près les structures des secteurs de l’hébergement, la culture, l’événementiel, le tourisme et la sous-traitance pour évaluer en quoi la métropole peut lever des vulnérabilités et accompagner certaines filières économiques à changer de modèle. Il semble que l’État laisse aux collectivités la possibilité de dégrever la cotisation financière des entreprises (CFE). Il est possible que l’on renvoie ce message-là aux entreprises encore très impactées par le Covid lors de la prochaine assemblée communautaire (26-29 juillet).

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