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Coronavirus - NewTree Café : « Cette période est une opportunité pour repenser notre management »
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Coronavirus - NewTree Café : « Cette période est une opportunité pour repenser notre management »

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À la tête de deux cafés-restaurants écoresponsables à Lyon, Bernard Goret, dirigeant du NewTree Café de la place Bellecour (IIe arrondissement) et de la place Guichard (IIIe arrondissement) partage ses doutes face à la crise sanitaire et économique actuelle. Pourtant sans se résigner, ce patron de dix salariés explique aussi le côté salvateur d’une telle période sur sa vision de chef d’entreprise et sur son management.

Une partie de l'équipe du NewTree Café à Lyon le jour du confinement. Une journée particulière pour Bernard Goret (au centre), dirigeant des deux établissements lyonnais — Photo : DR

« L’annonce du confinement a provoqué une certaine stupeur. Comme beaucoup, j’avais sous-estimé l’impact du Covid-19 sur notre business. Du jour au lendemain, on apprend que nos deux cafés-restaurants sont fermés, c’est très violent. J’ai eu un sentiment de révolte parce que nous n’avons pas eu de temps pour nous retourner et écouler les stocks. Émotionnellement aussi, c’est difficile », dévoile Bernard Goret, patron du New Tree Café qui détient deux établissements à Lyon et emploie dix salariés.

Penser à soi

Pourtant, passé la brutalité de l’obligation de fermer les portes, le dirigeant relativise : « Je me suis rapidement convaincu que quelque part, j’attendais ça pour me poser. C’est peut-être paradoxal dans la mesure où beaucoup souffrent dans cette période. Nous avons aussi des difficultés financières mais j’essaie de regarder le positif. Depuis plusieurs semaines, j’ai du temps pour réfléchir, pour ma famille, mes enfants. En tant que dirigeant, ça n’a pas de prix quand on travaille 80 heures par semaine. Je savoure ce temps qui m’est donné.

« Quand se pose-t-on pour réfléchir, pour créer ? »

Mon rêve est de développer cette entreprise mais en travaillant moins. Comme tout le monde, je me pose des questions sur le sens de la vie, du travail et la place que je laisse à ma vie personnelle. Si, être patron, c’est uniquement aligner des chiffres sur un compte en banque, ce n’est pas mon objectif. L’entreprise, que j’ai créée, a une raison d’être : apporter une contribution positive à la planète. J’ai évidemment l’envie de continuer à développer cette entreprise mais j’éprouve aussi le besoin d’avoir un vrai équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Le risque est de s’épuiser au travail, de tourner en rond. Quand se pose-t-on pour réfléchir, pour créer ? », s’interroge Bernard Goret, dont le deuxième établissement, situé Place Guichard à Lyon, a ouvert en début d’année.

Préparer le rebond

« Cette période est aussi le moment de mettre en place des choses pour lesquels on n’a jamais le temps. Paradoxalement, c’est une opportunité de changer notre manière de faire, de vivre, et sans doute que je n’appréhenderai plus ma manière de travailler, de diriger cette entreprise de la même façon après le confinement. Depuis longtemps, je rêvais de mettre en place le management collaboratif dans mon entreprise, mais faute de temps, je ne l’ai jamais fait. Mon équipe m’a fait comprendre que c’était le moment. Nous sommes en train de mettre ça en place afin que je puisse prendre du recul et être moins omniprésent.

Je vais redémarrer avec des horaires allégés mais sans baisser les ambitions pour l’entreprise. Partager une partie de mes responsabilités avec l’équipe et avoir du temps pour moi sera évidemment productif pour l’entreprise.

Au vu des risques sanitaires, c’est d’autant plus important que ce soit décidé de manière collective. Je n’impose rien, de même que je n’impose à personne de revenir travailler, c’est sur la base du volontariat. La pire chose serait que quelqu’un fasse valoir son droit de retrait. J’aurais alors échoué dans ma gestion. »

« Les modes de consommation vont certainement changer dans les prochains mois. On a besoin de travailler des alternatives dans notre offre. »

Décider collégialement

« La vie d’un dirigeant est faite de moment de solitude, c’est un état de fait. Il y a toujours un moment où il faut prendre des décisions, seul. Le fait d’avoir mis en place ce management collaboratif commence déjà à produire ses effets. Sur mes deux établissements, nous sommes déjà capables de faire de la vente à emporter. Mais nous réfléchissons à mettre en place une plateforme de click and collect, en plus de la vente à emporter et des livraisons. En temps normal, j’aurais imaginé cela, seul, dans mon coin en prenant du temps. Mais avec une grosse dose de stress. Là, j’ai pu partager ce sujet avec mes équipes. Aujourd’hui, on est en passe de le lancer, ça nous amènera un complément d’activité. Les modes de consommation vont certainement changer dans les prochains mois. On a besoin de travailler sur des alternatives dans notre offre.

Nous avons avancé aussi sur les modalités de réouverture, l’hygiène, l’offre et la manière dont on allait reprendre ensemble. En fin de compte, j’ai gagné beaucoup de temps. Quand vous décidez de rouvrir, ce n’est pas une décision simple parce qu’il y a une notion de risque pour les clients mais aussi pour les équipes. Partager la décision et construire cela ensemble est beaucoup plus fort », détaille Bernard Goret qui rouvrira ses établissements le 11 mai dans une nouvelle organisation.

« Tout le monde gamberge depuis deux mois, c’est normal que nous, dirigeants, gambergions aussi. »

Accepter la fatalité

Plus largement, Bernard Goret s’étonne du comportement de certains dirigeants à ne jamais lever le pied, malgré les contraintes du confinement. « Les dirigeants sont hyperactifs en temps normal. Je remarque en ce moment que beaucoup le restent. Il y a comme un manque et une culpabilité à ne rien faire. Ils ont du mal à s’arrêter. »

Un sentiment qui passe aussi par sa manière d’impliquer les équipes : « Si vous montrez que tout va bien alors que tout va mal, ça se voit. Les salariés ne sont pas dupes. Tout le monde gamberge depuis deux mois, c’est normal que nous, dirigeants, gambergions aussi. Il est sain de partager nos interrogations et nos doutes avec eux. La transparence amène un climat de confiance ».

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