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Coronavirus : « L’économie ne redémarrera pas avant l'automne »
Interview Lyon # Juridique

Emmanuel Squinabol président de l'association Prévention & Retournement Coronavirus : « L’économie ne redémarrera pas avant l'automne »

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Président de l’association lyonnaise Prévention & Retournement qui regroupe 80 professionnels du chiffre et du droit à Lyon (et plus de 150 en France), Emmanuel Squinabol, revient sur les premières conséquences de la crise sanitaire due au coronavirus. Il anticipe notamment une vague de défaillances d'entreprises très forte et un redémarrage de l'activité économique tardif.

— Photo : Felix Ledru / Advance Capital

Vous présidez l'association Prévention & Retournement qui accompagne les entreprises en difficulté. Dans quelle situation sont les entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis le début de la crise ?

Emmanuel Squinabol : Beaucoup de dirigeants ont tenté de parer au plus pressé, en tenant compte des annonces faites par le gouvernement pour modéliser très vite des prévisions d’exploitation et de trésorerie en scénario crash. C’est-à-dire en construisant des scénarios avec des baisses de chiffre d’affaires de l’ordre de 50 à 70 % pour les deux ou trois mois à venir et en conservant à peu de chose près les mêmes niveaux de charges fixes, tout en intégrant plusieurs approches comme le recours au chômage partiel pour tout ou partie de leurs salariés.

Le gouvernement vient justement de préciser les conditions d’éligibilité au chômage partiel ?

Emmanuel Squinabol : Le gouvernement a très clairement indiqué qu’il prenait en charge 100 % des salaires inférieurs à 4,5 Smic dans le cas du chômage partiel. Les entreprises vont quasiment être indemnisées de 100 % de leur masse salariale puisque la majorité des salaires se situent en dessous de ce seuil. Seuls certains cadres sont au-delà de ces montants de rémunération. C’est une vraie bouffée d’oxygène pour les entreprises.

Bpifrance a également annoncé des mesures de soutien très importantes avec des garanties à hauteur de 90 % des lignes de crédit octroyées et de nouveaux prêts. Ces mesures d’urgence sécurisent du mieux possible les prévisions de trésorerie et donnent une certaine visibilité sur les semaines et mois à venir. Ce n’est que lorsque l’on sortira du confinement que les chefs d’entreprise pourront entrer dans des mesures de restructuration plus profonde de leur activité, de leur masse salariale mais aussi de leur dette.

Anticipez-vous déjà une progression du nombre de défaillances d'entreprises ?

Emmanuel Squinabol : Via les membres de l'association, nous n’avons pas encore eu de demandes d’ouvertures de procédures amiables ou de procédures collectives, mais la vague s’annonce forte. Les chefs d’entreprise sont davantage dans un diagnostic d’urgence de protection. Mais un certain nombre de clients nous parlent déjà de rentrer en procédure collective du type redressement judiciaire afin de protéger leur activité et que les salaires puissent être pris en charge par les AGS.

Les tribunaux sont-ils prêts ?

Emmanuel Squinabol : C’est difficile. Nous avons des retours un peu contradictoires des tribunaux qui ont mis en place des hotlines mais où les greffiers sont en confinement. Un tribunal sans greffe ne peut pas fonctionner. D’après une note du tribunal de commerce de Lyon, il y aurait un fonctionnement quasi normal de la prévention et des procédures collectives grâce à la télétransmission. La vague de procédures collectives devrait arriver d’ici une quinzaine de jours.

De quelle ampleur peut être cette vague ?

Emmanuel Squinabol : Nous allons vraisemblablement revenir à un nombre de procédures collectives que l’on connaissait il y a quelques années de l’ordre de 65 000 par an, contre 53 000 en 2019. Ce sont des chiffres que l’on a connus après la crise de 2008. J’échange beaucoup avec les banques et des fonds d’investissement. Tous sont convaincus que la France, passé le confinement, vivra un attentisme certain jusqu’à l’été. L’économie ne redémarrera pas avant l’automne. Sans être catastrophiste, c’est le discours qui prédomine.

Vous êtes également conseiller financier et restructuring chez Advance Capital. Comment vont réagir les fonds d’investissement ?

Emmanuel Squinabol : Ils vont d’abord se concentrer sur la surveillance de leurs participations actuelles avant de se lancer dans de nouvelles participations d’investissement. Leurs participations qui auront des difficultés feront l’objet de toute leur attention pour sauvegarder l’existant. Toutes les décisions d’investissement risquent d’être reportées. De même, les banques vont avoir à gérer une telle quantité de dossiers de renégociation ou de ré-étalement des encours, qu’elles n’auront pas la bande passante suffisante pour prévoir de nouveaux investissements.

Quel regard portez-vous sur les mesures gouvernementales ?

Emmanuel Squinabol : Elles vont dans le bon sens. Le gouvernement a conscience des difficultés qui s’annoncent. Simplement, cette crise représente une telle quantité de travail en si peu de temps et il y a une impréparation totale face à ce qui arrive. Ça met logiquement un peu de temps à se mettre en place. Au-delà des problématiques financières, il y a aussi des problématiques de santé publique à prendre en compte.

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