
« Un champ de bataille ». Les premiers mots de François Thuilleur sont sans équivoques, illustrant le quotidien d’un patron gérant à la fois une crise sanitaire gravissime et une demande exceptionnelle. Il est 19 heures ce mardi 17 mars quand le directeur général du groupe de distribution de produits d’hygiène nous répond. Il prend le temps, explique en détail les besoins urgents d’un monde médical plongé dans une catastrophe inédite. L'homme pilote Paredes, 600 salariés pour près de 190 M€ de chiffre d’affaires.
Deuxième distributeur - et non producteur - français de produits d’hygiène professionnelle, le groupe lyonnais est leader sur les produits d’hygiène pour le monde médical : essuie-mains, draps d’examen, papiers toilette. Le groupe fournit 800 Ephad en France, la quasi-totalité des hôpitaux publics français et travaille avec les établissements du groupe Ramsay Santé, qui gère 36 000 salariés et 8 600 praticiens en France.
Une position qui oblige. Et pourtant : « nous ne parvenons pas à répondre à la demande de tous nos clients. Les tensions sont extrêmement fortes notamment sur les produits de protection », souffle le dirigeant.
Émotion
La voix est hachée et laisse affleurer une émotion palpable. Au moment d’évoquer l’implication de ses salariés, François Thuilleur est ému. « Je suis très fier de mes équipes ce soir. J’ai dû me résoudre à mettre 400 personnes en télétravail qui continuent de faire fonctionner la machine. Il en reste 200 à la production, la logistique et au transport. Dans la région Grand-Est, les hôpitaux sont débordés. Certains de mes salariés ont connaissance de décès dans leur entourage indirect mais ont tenu à venir travailler parce qu’ils savent que c’est indispensable pour sortir de cette crise », s’excuse-t-il.
Une tension telle que l’entreprise a fait passer l’usine du groupe de Genas (Rhône) en 3x8. Le nouveau site logistique de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) qui dessert l’ensemble de ses entrepôts en France est aussi sur le pont. « Les équipes viendront même travailler samedi pour continuer à produire et répondre à la demande », détaille François Thuilleur, s'avouant gêné d’en demander autant à ses équipes.
Anticipation
Désormais, les industriels qui fournissent habituellement ce distributeur en gels hydro-alcooliques et en masques sont à sec. « En début d’année, nous avions heureusement décidé de remplir nos stocks. Des achats à hauteur de 32 millions d'euros. Nous démarrons cette crise avec beaucoup de ouate et de gants. Par exemple, nous avons 6 millions d’euros de gants pour le personnel médical », fait-il savoir. Tous seront sans doute livrés dans les prochains jours.
À peine cette crise commencée, le dirigeant anticipe l’après. « Nous passons des commandes en direction de la Chine pour recomposer nos stocks. Nous estimons qu’après cette catastrophe, tout notre volume de produits aura été vendu, relève François Thuilleur. Nous espérons être livrés avant l’été ».
Des délais incompressibles pour des produits venant d’aussi loin mais qui l’interroge sur le bien-fondé d’être dépendant de marchés si lointains, alors que 80 % de sa gamme est estampillée made in France. « Il va être nécessaire de repenser notre manière de travailler », estime-t-il. Déjà, son souhait est de doubler l’ensemble de sa gamme avec des produits en provenance de France ou d’Europe. Gel et masques en tête.