« En temps de crise, les valeurs refuge rassurent », tout comme les placards remplis de produits de première nécessité, explique Philippe de Francesco, directeur général de l’Association régionale des industries agroalimentaires (Aria) en Auvergne Rhône-Alpes, qui pèse 10 milliards d’euros et emploie 41 000 salariés. Résultat, chez les fabricants de pâtes, semoule, pain de mie, etc., la demande explose.
« Les capacités de production ont augmenté de l’ordre de 50 % pour les pâtes, indique Christine Petit, directrice générale du syndicat des fabricants de pâtes et de semoulerie. Pour faire face à ce pic, la région, qui compte de gros industriels comme Panzani, Brioche Pasquier, Jacquet, ou Alpina Savoie s’adapte : simplification des formats, diminution du nombre de références, recentrage sur les formats plus productifs, arrêt de la production pour les promotions et forte mobilisation du personnel avec la mise en place de nouvelles équipes opérationnelles pour produire en continu.
La filière laitière à la peine
Mais toutes les entreprises du secteur ne sont pas concernées par cet afflux de commandes. La filière laitière, qui compte pour plus de 25 % du chiffre d’affaires du secteur en Auvergne Rhône-Alpes, est en difficulté. Certaines entreprises vendant uniquement leur fromage en libre-service en grande distribution connaissent une hausse de commandes, mais les autres sont à la peine. « En restauration, les ventes sont complètement à l’arrêt, et en grande surface les rayons à la coupe ferment. Ce sont des débouchés qui concernent surtout les entreprises qui produisent en AOP, et elles sont nombreuses dans la région » (Cantal, Saint-Nectaire, Bleu d’Auvergne, etc.), indique Philippe de Francesco.
Ventes en baisse en confiserie-pâtisserie
Les PME sont particulièrement touchées car, contrairement aux grands groupes, leur outil de production ne permet pas forcément de diversifier la production (fromage sous vide, lait en poudre ou UHT). Si la situation perdure, « dans une semaine ou deux, ces entreprises vont arrêter de collecter le lait ce qui obligerait les éleveurs à le jeter. À moyen terme, les conséquences pourraient être très importantes. Ces éleveurs sont souvent déjà en difficulté bien que leur présence soit indispensable pour la production en AOP dans la région. »
Pour les confiseurs, pâtissiers, fabricants de produits d’épicerie fine, etc., la situation est également précaire. « Les ventes sont en forte baisse, indique le directeur général de l’Aria. Certaines entreprises sont en train de se dire qu’elles ont intérêt à fermer. La baisse d’activité risque de les y contraindre d’ici la fin du mois. »
Masques : ruptures possibles d’ici deux semaines dans l'agroalimentaire
« En temps normal, les conditions d’hygiène sont déjà très strictes dans l’agroalimentaire », rappelle Philippe de Francesco. Se laver les mains fréquemment, porter un masque en cas de maladie, sont des gestes intégrés par les salariés. Sur certaines lignes, comme celles de steaks hachés, le port du masque est quasi obligatoire. Mais en raison des réquisitions pour le personnel de santé, l’industrie pourrait manquer. « Les entreprises ont 10 à 15 jours de stocks, mais ne savent pas si elles pourront recommander. Elles anticipent en achetant masques en tissu, blouses ou combinaisons avec masque intégré. »