Coronavirus : Comment les chocolatiers d'Auvergne Rhône-Alpes tentent de limiter la casse pour Pâques
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Coronavirus : Comment les chocolatiers d'Auvergne Rhône-Alpes tentent de limiter la casse pour Pâques

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Avec le confinement lié à la pandémie de coronavirus Covid-19, Pâques devrait cette année avoir des allures beaucoup moins festives. Surtout pour les chocolatiers de la région Auvergne Rhône-Alpes qui s’attendent à perdre près de 80 % du chiffre d’affaires réalisé habituellement à cette période.

— Photo : Sève Chocolatier

Après Noël, la période de Pâques est la deuxième date la plus importante pour les chocolatiers. « Cette fête familiale leur permet de réaliser plus de 20 % de leur chiffre d’affaires annuel », assure-t-on du côté de la Confédération des Chocolatiers Confiseurs de France. Sauf que cette année, avec le confinement lié à la pandémie de Covid-19, les chocolatiers risquent de ne pas être à la fête. Notamment dans la région Auvergne Rhône-Alpes qui compte bon nombre de maîtres-artisans de renom et de géants du secteur comme Valrhona, Révillon ou encore Cémoi.

« C’est une vraie catastrophe économique. Avant le confinement, notre chiffre d’affaires en boutiques s’était déjà effondré, plus personne ne sortait mais avec l’annonce du confinement, nous avons été contraints de fermer nos 25 boutiques car nous n’étions pas en mesure d’assurer la sécurité de nos salariés. Notre chiffre d’affaires est tombé à zéro », relate Romain Boucaud-Maître, directeur général adjoint du chocolatier lyonnais Voisin (200 salariés ; 20 M€ de CA). Depuis, la PME tente de limiter la casse. « Nous avons mis en place un service de livraison à domicile et nous projetons de rouvrir 10 boutiques en format sécuritaire dès le 6 avril. Des boutiques dans lesquelles nous aurons mis en place un système de click and collect (achat en ligne, retrait en magasin, NDLR) pour éviter les contacts », relate le chocolatier lyonnais.

Le numérique pour limiter la casse

À l’origine, cette stratégie « phygitale » (alliant physique et digital), Voisin avait prévu de la lancer au mois de septembre prochain avec le développement d’une brique « click and collect » dédiée sur son site internet. « La crise nous a poussés à accélérer les choses. Nous avons monté une équipe projet et, en 15 jours, nous avons réussi à sortir un outil qui ne sera pas abouti mais qui va nous permettre de ne pas être totalement absent des fêtes de Pâques et de servir notre base de 70 000 clients fidèles », développe Romain Boucaud-Maître.

Le numérique pour sauver les meubles, c’est un peu la stratégie adoptée par l’ensemble du secteur. À La Tour-en-Jarez, près de Saint-Etienne, Chocolat des Princes (21 salariés ; 3,2 M€ de CA) a été également contraint de fermer ses deux boutiques physiques. « Comme nous avions 100 % de la confiserie et un tiers de notre fabrication en moulage déjà faite, nous avons décidé d’arrêter la production. Côté ventes, nous n’avons conservé que la boutique en ligne avec une équipe réduite de quatre personnes pour assurer la préparation de commandes et deux personnes en télétravail », expose Philippe Pannier, directeur général de Chocolat de Princes.

En parallèle, le chocolatier ligérien a mis en place un drive à l’usine pour permettre à ses clients professionnels et particuliers de venir se fournir. « Le drive et la boutique en ligne ne remplaceront jamais 15 jours de travail en boutique avec 200 à 300 passages par jour. Mais si on arrive à faire 20 à 25 % de ce que l’on fait habituellement à Pâques, on s’en sortira déjà pas mal », confie le dirigeant.

Des investissements pour sécuriser les boutiques

Photo : Philippe Jallin

« Faire 20 % de ce que l’on fait habituellement à Pâques », c’est aussi l’ambition de Gaëlle Sève, la codirigeante de Sève Chocolatier (50 salariés ; 5 M€ de CA). Pour y parvenir, le maître-artisan chocolatier lyonnais mise sur la vente en ligne lancée la semaine passée, sur son service de drive, lui aussi mis en place en urgence sur le site de la Manufacture à Limonest, et surtout sur la réouverture de trois de ses sept boutiques dès la semaine prochaine.

« Nous avons investi massivement dans toutes les sécurités possibles et notamment des vitres de protection au niveau de l’encaissement pour protéger nos clients et nos salariés d’éventuels risques de contamination. Nous espérons ainsi rouvrir, avec des horaires aménagés, notre boutique historique de Champagne au Mont D'Or ainsi que celles de Bron et des Halles à Lyon pour couvrir une bonne partie de l’agglomération lyonnaise et ainsi satisfaire notre clientèle », développe Gaëlle Sève, qui n’a clairement aucune garantie sur la rentabilité à court terme de ses investissements.

« Quand vous êtes dans l’urgence, vous faites et vous calculez ensuite. Après, on espère que les clients qui étaient dans l’achat d’urgence les deux premières semaines s’orientent avec les fêtes de Pâques vers l’achat plaisir et le chocolat », complète-t-elle.

Une épée de Damoclès pour les géants du secteur

Un espoir que doivent également partager les géants du secteur comme le n°1 français Cémoi (750 M€ de CA ; 3 300 collaborateurs) - qui disposent de deux sites de production en Auvergne Rhône-Alpes, à Sorbiers (Loire) et à Chambéry (Haute-Savoie) - et le groupe Savencia, propriétaire des marques Valrhona (Drôme), Weiss (Saint-Etienne) et Révillon (Roanne).

« Pâques est une période cruciale pour des entreprises de ce calibre et la période de confinement pourrait être lourde de conséquences », assure André Duvernoir, président du Pôle Agroalimentaire de la Loire et ancien cadre dirigeant de la Chocolaterie Aiguebelle à Sorbiers (groupe Cémoi). Expert du secteur, André Duvernoir connaît parfaitement les liens contractuels entre les fabricants de chocolats et la grande distribution.

« Pour des entreprises comme Cémoi ou Révillon, qui sont très présentes en grande distribution, le problème ce n’est pas la production ou les stocks. Tous les produits de Pâques sont généralement fabriqués et livrés aux distributeurs deux ou trois mois avant. Le problème, c’est que ces produits saisonniers sont liés par des contrats qui stipulent un retour systématique des invendus avec rachat au prix de vente des produits par le fabricant. Ce qui veut dire que tous les produits non vendus sont à la charge du fabricant et non du distributeur », explique André Duvernoir.

La fréquentation en grandes surfaces étant de fait limiter par le confinement, il y a donc fort à parier que les ventes de chocolats de Pâques affichent cette année un niveau historiquement bas. « On peut donc s’attendre à un retour important d’invendus sur des produits qui, de par leur saisonnalité, ne peuvent que finir en pertes », argumente l’ancien cadre dirigeant de Cémoi.

Contactés par nos soins, Cémoi et Révillon n’ont pas souhaité s’exprimer.

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