Isère
Comment Sofradir veut conserver son avance technologique
Isère # Électronique # Investissement

Comment Sofradir veut conserver son avance technologique

S'abonner

Le spécialiste isérois de détecteurs infrarouge Sofradir vient de débloquer une ligne d'investissement de 150 millions d'euros. Et explore de nouveaux marchés stratégiques, comme celui du médical. Décryptage.

Créé en 1986, le groupe Sofradir est le numéro deux mondial des détecteurs infrarouges refroidis pour des applications militaires, civiles, spatiales ou scientifiques — Photo : Sofradir

Être sur tous les fronts. Telle est résumée la nouvelle feuille de route de Sofradir, spécialiste des détecteurs infrarouges. Et pour donner corps à cet ambitieux programme, le groupe isérois (CA : 220 millions d'euros, 1000 salariés) casse sa tirelire. Dans le cadre du programme européen Nano 2022, il met sur la table quelque 150 millions d’euros1 afin de développer, depuis son site de production de Vorey-Voroize aux portes de Grenoble, les capteurs de demain.

Annoncé en début d'année, ce plan prévoit à terme le développement d’une nouvelle génération de produits et la mise en place de deux lignes pilotes pour préparer le passage en production. « Nous devons investir en force pour conserver notre avance technologique sur nos concurrents américains, israéliens ou encore asiatiques », résume David Billon-Lanfrey, directeur stratégie de Sofradir.

Combattre la concurrence américaine

Une course contre la montre donc, qui devrait toucher l’ensemble des activités de l’entité historiquement tournée vers le spatial et la défense, mais présente également - via sa filiale Ulis - sur des secteurs industriels "gros volumes" comme la thermographie, la surveillance ou encore les applications pour les bâtiments connectés.

Avec cette montée en gamme tous azimuts, Sofradir vise en particulier le segment des très gros composants appliqués à l’astronomie. « Ce que l’on appelle les ELT [pour Extremely Large Telescope, NDLR], ces télescopes géants déployés au Chili qui ont besoin de très grands plans focaux infrarouges », explique David Billon-Lanfrey. Et que seule la société américaine Teledyne Technologies est aujourd'hui en capacité de fournir. « L’objectif est de casser ce monopole en mettant en place une source européenne, avec une technologie française que nous espérons développer en lien avec les équipes du CEA-Leti notamment. »

Adresser de nouveaux marchés

Sofradir, créé par essaimage du même CEA-Leti en 1986, veut également consacrer un effort R&D sur le développement de détecteurs plus compacts et moins énergivores. « Nos produits actuels ne fonctionnent qu’à très basse température, à moins 200 degrés Celsius, ce qui est contraignant », précise l’expert. « Notre objectif est d’augmenter cette température afin de développer une nouvelle filière technologique. » Et ainsi adresser de nouveaux marchés porteurs. « Nous imaginons par exemple pouvoir intégrer ces détecteurs sur des drones. Ce qui faciliterait la détection, en vision infrarouges, de fuites de gaz sur des ouvrages d’art ou des sites industriels sensibles comme les raffineries. »

Autre piste pour les équipes de recherche : le développement de solutions permettant d’augmenter les volumes de production afin de répondre aux besoins d’industries cibles comme l’automobile. Le groupe souhaiterait imposer ses capteurs thermiques dans les dispositifs de freinage d’urgence. Lesquels ne sont pour l’heure disponibles que sur certains modèles haut de gamme. « Avec ces capteurs, nous augmentons sensiblement les cas d’emploi de freinage d’urgence », assure David Billon-Lanfrey. « C’est un levier de croissance stratégique ».

Incursion dans le monde médical

Sofradir explore également de nouveaux horizons industriels. Celui du secteur médical en particulier, où le groupe espère multiplier les usages de ses technologies infrarouge. Il vient pour cela d’intégrer le programme "Proof of Concept" du cancéropôle régional Clara afin de tester, sur deux ans, son projet d’aide au guidage visuel pour le chirurgien. « On cherche à diffuser l’usage de certains de nos capteurs à l'origine développés pour la défense », précise Patrick Abraham, responsable des partenariats publics/privés chez Sofradir. « Grâce à l’imagerie infrarouge, nous pensons pouvoir différencier un tissu sain d’une tumeur cancéreuse ».

Cette incursion inédite dans le monde de la santé pourrait se poursuivre après le dépôt le mois dernier d'une demande de financement européen. L'enveloppe dédiée est de 6 millions d’euros pour l’ensemble des parties prenantes à ce projet. « Nous devrions avoir un retour sur ce dépôt dans les prochaines semaines », précise Patrick Abraham.

Une stratégie de développement accompagnée d’un plan d’embauches spécifique d’une trentaine de postes par an. « Ces projets devrait par ailleurs assurer la pérennité de nos filières », veut croire le directeur stratégie du groupe.

1 Sur ces 150 millions d’euros, 29 millions seront financés par des aides publiques (État, Région et département de l’Isère) dans le cadre du plan sur la filière nanoélectronique.

Isère # Électronique # Investissement