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Comment King Jouet ajuste son modèle à la crise
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Comment King Jouet ajuste son modèle à la crise

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Le confinement et la baisse du pouvoir d’achat des Français ne semblent pas entraver la stratégie de l'entreprise iséroise de magasins King Jouet. Après avoir racheté son homologue en difficulté Maxi Toys, le groupe s'attelle à mieux entremêler commerce physique et numérique pour améliorer le parcours client.

Même si les deux tiers du catalogue de King Jouet provient encore de Chine, l'enseigne iséroise de magasins de jouets essaye de répondre à l’appétence grandissante des clients pour les produits "made in France" — Photo : © King Jouet

En août 2020, en toute discrétion, l’actionnaire familial historique de l’enseigne de magasins de jeux et jouets King Jouet (240 points de vente, 1 000 collaborateurs, 275 M€ de CA), a repris son homologue belge Maxi Toys, maintenant 826 emplois sur 1 200. Avec près de 350 magasins au total, les deux enseignes, tout en restant autonomes, représenteront un chiffre d’affaires de 400 millions d'euros et plus de 10 % du marché français du jouet. « Dans ce secteur, le commerce physique et l’effet taille comptent encore beaucoup », justifie Philippe Gueydon, le directeur général de King Jouet, qui entrevoit des synergies dans les programmes fidélité et les investissements numériques. « On ne fera pas du 'Amazon' bis, notre modèle restera physique, tout en digitalisant encore plus le parcours client », précise-t-il.

Les jouets comme "valeur refuge"

De fait, et malgré la plongée des ventes lors du confinement, le marché du jouet fait preuve de résilience et a presque comblé son retard (+12 % entre mi-mai et début octobre). Selon le panéliste NPD, les spécialistes enregistrent une hausse des ventes de +17 %, soit plus que l’e-commerce (+13 %). « Les jouets sont des valeurs refuges et sont synonymes de moments agréables passés en famille. De plus, les activités de cinéma et de parcs d’attractions sont provisoirement absentes des emplois du temps », développe Philippe Gueydon, qui constate aussi une anticipation des clients sur leurs achats de Noël.

Le numérique en croissance

Craignant les ruptures de stock annoncées – mais non prouvées –, la cohue avant les fêtes ou simplement un nouveau confinement, les clients permettent donc à King Jouet d’enregistrer une progression annuelle inattendue de 2,5 % des ventes. Ce qui n’empêche pas l’enseigne de se préparer aux mauvais jours. « Nous appuyons sur le numérique, avec de plus en plus de clients qui viennent retirer en magasin (+65 % depuis le début d’année, représentant 15 % du chiffre d’affaires total de l’enseigne). Le retrait sans contact, avec le vendeur qui dépose directement la marchandise dans le coffre de la voiture du client, a bien fonctionné durant le confinement. Nous poussons aussi le "ship from store", des expéditions depuis les points de vente chez les particuliers dans leur zone de chalandise, qui ne passent donc pas par la plateforme logistique : en cas de confinement, cela évitera un engorgement et les marchandises ne traverseront pas le territoire », précise le dirigeant. Le concept de magasin en périphérie a été retravaillé. « Là encore, nous avons revu les matériaux, les teintes et le parcours client pour qu’il y flâne et passe plus de temps », détaille Philippe Gueydon.

Photo : © King Jouet

L’année dernière, c’est le concept de magasin dans les métropoles qui avait été travaillé. Ainsi, la première boutique parisienne, qui a ouvert dans la rue de Rivoli en octobre 2019, propose une offre différente, avec 50 % de produits français et de créateurs, des exclusivités, des fabricants peu connus et même un espace de vêtements via la marque Prénatal. L’enseigne de mode enfantine et de puériculture s’est installée en "shop-in-shop" dans des points de vente King Jouet. Une synergie orchestrée par le propriétaire des deux chaînes, le groupe italien PRG (Prénatal Retail Group). King Jouet avait déjà concrétisé son ouverture à d’autres chaînes dans ses points de vente en 2018 avec l’implantation de corners Claire’s (accessoires de mode et bijoux fantaisie).

Observer un secteur mouvant dans la durée

Si le groupe King Jouet se transforme en continu, c'est parce qu’il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Car avec la reprise de Maxi Toys, les risques sont là, l'enseigne belge ayant perdu 12 millions d'euros en 2019. Autre point d’interrogation, l’évolution de la demande. « Les catalogues sont seulement en train de sortir mais, à voir les premières ventes, il semble que les marques fortes comme Lego ou Playmobil tirent encore le marché. Les cartes Pokémon et la franchise Harry Potter ont encore de beaux jours devant eux. Les produits sous licence, malgré le manque d’actualité cinématographique, représenteront vraisemblablement encore 20 % du marché. La bonne surprise vient des jeux de société, à +29 % depuis le début de l’année », décrypte Philippe Gueydon. Le dirigeant garde un œil sur des tendances de plus long terme, comme l’appétence grandissante pour les produits "made in France" : « nous faisons en sorte de les rendre plus reconnaissables en magasin. Mais si les gens gardent en tête l’idée de circuit court, deux tiers de nos achats proviennent encore d’Asie et un tiers d’Europe, dont un neuvième de France ».

Autre chantier qui s’accélère pour King Jouet : l’écoresponsabilité, dont l’importance grandit dans un secteur traditionnellement consommateur de plastique. « La taxe de recyclage de 3 % que le gouvernement prévoit pour 2022 est la solution extrême, punitive. Il faut travailler plus en amont, avec des réductions drastiques d’emballages de la part des fabricants. De notre côté, nous mettons en place une offre de pièces détachées et notices de montage pour faciliter les réparations », annonce Philippe Gueydon.

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