Christophe Fargier (Ninkasi) : « Nous allons perdre un à deux ans sur notre plan de marche »
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Christophe Fargier (Ninkasi) : « Nous allons perdre un à deux ans sur notre plan de marche »

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Frappé de plein fouet par les mesures de confinement liées à la pandémie de Covid-19, le fondateur des brasseries et bières Ninkasi, Christophe Fargier, s'attend à des pertes conséquentes pour son groupe. Des pertes qui devraient conduire ce Stéphanois de naissance à différer un certain nombre de projets dont l'ouverture de sa deuxième usine de fabrication de bières à Tarare.

Avec la crise liée au coronavirus, Christophe Fargier prévoit de différer son projet d'ouverture d'une seconde usine de fabrication de bières à Tarare. — Photo : Audrey Henrion

Le Journal des Entreprises : Certaines enseignes de restauration rapide ont décidé de maintenir un peu d’activité en mettant en place un service de livraison à domicile. Est-ce une option envisagée par le groupe Ninkasi (30 M€ de CA en 2020, 400 salariés) ?

Christophe Fargier : Nous sommes en pleine réflexion sur ce sujet de la livraison à domicile. Pour l’instant aucune décision n’est prise car cela pose des questions sanitaires pour garantir la sécurité de nos salariés mais aussi des livreurs. Chez Uber Eats, certains se sont plaints à juste titre de ne pas avoir de masques et de gels hydroalcooliques pour se protéger. C’est donc un sujet un peu complexe. D’un autre côté, la livraison à domicile est peut-être un service que l’on se doit de proposer à nos clients pour rendre cette période de confinement un peu plus supportable. Nous essayons d’ailleurs de conserver des activités à domicile pour nos clients en leur proposant de voir sur notre site internet des captations de concerts ou de visites de notre fabrique de bières… Nous essayons de créer des choses pour casser la monotonie et apporter un peu de distraction dans cette période compliquée.

« La facilité c’est de fermer ! Si nous mettons en place un service de livraison à domicile ce ne sera pas pour le business. »

La livraison à domicile pourrait être aussi un moyen de conserver un peu d’activité et de réduire les pertes ?

Christophe Fargier : La facilité c’est de fermer ! Si nous mettons en place un service de livraison à domicile ce ne sera pas pour le business. Nous avons fait une étude et clairement ce serait une activité à perte. À Lyon, sur l’ensemble de nos établissements, nous réalisons en moyenne 10 000 € de chiffre d’affaires par semaine sur la livraison à domicile. En ne conservant qu’un seul restaurant, le calcul nous amène à 7 000 €/semaine. Quand on voit toute la logistique qu’il faudra mettre en place derrière, ce n’est clairement pas rentable. Non, l’enjeu réside plutôt dans la solidarité vis-à-vis de nos clients mais aussi de ceux qui continuent à travailler durant la pandémie en mettant par exemple en place une offre à prix réduit pour les forces de l’ordre, les pompiers, le personnel soignant.

Aujourd’hui tous vos restaurants sont à l’arrêt. Qu’en est-il pour le reste des activités du groupe ?

Christophe Fargier : Tous nos restaurants en propre (9 sur 29, NDLR) sont fermés. Les franchisés peuvent s’organiser comme ils le souhaitent. Notre fabrique de bières, elle continue de tourner à 50 % de ses capacités et nous continuons de fournir la grande distribution. Notre site e-commerce lui aussi continue de fonctionner. En revanche la distribution des bars, hôtels et restaurants, ainsi que la partie événementielle sont à l’arrêt.

« Nous nous attendons à perdre entre 2,5 et 3 millions d’euros par mois de fermeture »

Quel sera l’impact économique de cette période de confinement pour le groupe ?

Christophe Fargier : Nous avons prévu de réaliser 30 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année dont 7 millions d’euros sur la partie fabrication de bière et le reste sur les restaurants. Or ils sont tous à l’arrêt ! L’impact sera donc énorme d’autant plus que l’on entre dans les beaux jours avec les terrasses et les festivals qui d’habitude boostent notre activité. Nous nous attendons à perdre entre 2,5 et 3 millions d’euros par mois de fermeture.

La France est partie pour 15 jours de confinement sans doute reconductibles. Ninkasi a-t-il les reins suffisamment solides pour encaisser une fermeture prolongée sur plusieurs semaines ?

Christophe Fargier : Nous sommes capables d’encaisser une fermeture jusqu’à fin mai. Nous avons pris nos dispositions pour pouvoir tenir jusque-là en négociant en urgence un prêt à court terme avec nos banques assorti d’une contre-garantie de Bpifrance pour pouvoir garantir le paiement des salaires sur cette période. Après, nous allons nous retrouver avec une dette que nous n’avions pas avant la crise. Une dette qu’il va falloir assumer et qui aura des conséquences sur la dynamique de l’entreprise. Notre projet de nouvelle usine à Tarare ne pourra pas être maintenu selon le calendrier initial. C’est une évidence ! On va perdre entre un et deux ans sur notre plan de marche mais c’est un moindre mal. cette crise ne mettra pas en péril le groupe Ninkasi mais elle aura des conséquences que nous devrons surmonter.

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