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Braincube affiche sa résilience face à la crise
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Braincube affiche sa résilience face à la crise

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Basée à Issoire (Puy-de-Dôme), la société Braincube, spécialisée dans l'analyse des données industrielles au service de la compétitivité des entreprises, n'en finit pas de surprendre. En forte croissance, l'entreprise, qui équipe les sites industriels de grands groupe internationaux, se tourne également vers le marché des PME et ETI industrielles. Même si la crise du coronavirus a décalé certains projets, Laurent Laporte a bon espoir de réaliser encore cette année un exercice prometteur.

Braincube développe un logiciel d’intelligence artificielle qui exploite la masse de données issues des lignes de production. Sa solution est déployée dans plus de 250 grands groupes internationaux — Photo : Ludovic Combe

Une anecdote et un pressentiment : « dans l’avion qui me ramenait des États-Unis, en février 2020, j’étais le seul passager sur la vingtaine de rangées de la classe affaires. J’ai bien senti qu’il y avait quelque chose de particulier qui se tramait », fait savoir Laurent Laporte, patron de l’entreprise Braincube (CA 2019 : 12 M€ / 150 salariés).

Quelques jours plus tard et avant les mesures de confinement en France, le président de la société spécialisée dans la gestion des données industrielles décide de passer ses 150 salariés en télétravail en France mais aussi dans ses deux agences américaines et son bureau brésilien. Société « très digitalisée », Braincube profite de son agilité pour poursuivre l’activité, sans aucune incidence majeure. « Nous n’avons pas perdu de revenus pendant la crise. Notre business model est basé à 90 % sur des souscriptions annuelles », note-t-il. Tout juste ces trois mois vont-ils entraîner une perte de projets de croissance puisque certains dossiers que nous devions mettre en place chez nos clients sont décalés, sans compter tout l’accompagnement planifié qui n’est pas forcément rattrapable ».

Fondée en 2008 à Issoire (Puy-de-Dôme) par trois ingénieurs de formation, Hélène Olphe-Galliard, Sylvain Rubat du Mérac et Laurent Laporte, la société s’est bâti une solide réputation dans la gestion de données industrielles. Braincube développe un logiciel d’intelligence artificielle qui exploite la masse de données issue des lignes de production afin d’optimiser l’organisation et la qualité de la production, tout en limitant au maximum les gaspillages et les pertes de productivité. « Nous sommes pionniers sur la data industrielle, explique le président de l’entreprise. Le marché de l’industrie 4.0 a émergé tardivement, ce qui nous permet d’être aujourd’hui leader de l’analyse et de l’utilisation de ces données ».

Présent sur trois continents

Photo : Ludovic Combe

Une force de frappe que saluait, il y a quelques mois, Olivier Bernasson, président de la French Tech Clermont-Auvergne : « Braincube aurait eu toute sa place dans le French Tech 120 (programme d’accompagnement d’entreprises innovantes et en croissance du gouvernement, NDLR). Ils ont un rayonnement, un impact et une capacité à se déployer à l’international impressionnants ».

Présent sur trois continents (Amérique du Nord, Amérique du Sud et en Europe), Braincube a déjà déployé sa solution chez plus de 250 clients internationaux. Et non des moindres : ArcelorMittal, Safran, Nestlé, Plastic Omnium, Saint-Gobain ou encore le groupe PSA optimisent leur production grâce à l’outil d’intelligence artificielle auvergnat. Au total, les trois quarts du chiffre d’affaires sont réalisés à l’international (Europe, États-Unis et Brésil).

Côté secteur d’activité, Braincube ratisse large : automobile, aéronautique, agroalimentaire, métallurgie, chimie, industrie pharmaceutique, industrie du verre… et même du papier. « Le secteur du papier est un des exemples qui illustre l’apport de notre savoir-faire technologique. Par exemple, la fibre de bois mouillée utilisée par certains de nos clients présente des risques de casse ou de déchirures impliquant bien souvent des pertes de productivité pour nos clients. Grâce aux données récoltées, nous parvenons à identifier les causes pour déterminer les conditions idéales de production. »

Avec la crise du coronavirus et la chute des secteurs de l’automobile et de l’aéronautique, l’état d’esprit du dirigeant a changé : « Nous avions de gros projets dans l’aéronautique. Nous devons évaluer la situation avec certains acteurs en difficulté aujourd’hui et voir ce qu’il va se passer. » Reste que d’autres secteurs marchent à plein : agroalimentaire, emballage, transport… « On se reconfigurera sur certains secteurs en fonction de la situation du marché », assure-t-il.

Réorientation stratégique

Avec une croissance annuelle de 30 à 40 % depuis sa création, l’entreprise, qui visait en début d’année un chiffre d’affaires compris entre 15 et 20 millions d’euros pour 2020, ne le fera sans doute pas. « Mais nous comptons malgré tout bien avoir une croissance à deux chiffres cette année », lance Laurent Laporte.

Depuis son lancement, Braincube déploie sa solution logicielle site par site dans l’idée de s’adapter aux spécificités de chaque usine. « Nous avons démarré avec de nombreuses de barrières technologiques liées aux capteurs ou aux logiciels, qui nous ont obligés de travailler usine par usine », souligne-t-il. Le virage massif pris par les industriels autour de l’Usine 4.0 a facilité la mise en place des technologies et transformé l’approche d’implémentation de Braincube. « Depuis plus d’un an, nous fonctionnons davantage à l’échelle du groupe afin d’installer notre logiciel sur l’ensemble des lignes de production du client », précise-t-il.

Une démarche que le dirigeant estime « plus structurante » pour l’organisation de l’entreprise, mais qui ne se limite pas aux seuls grands groupes. « Notre vraie marge de progression se situe auprès des PME et des ETI », ajoute Laurent Laporte. Pour adresser cette clientèle, la société collabore avec des partenaires industriels pour déployer sa solution. Elle a été choisie par Siemens pour équiper ses dispositifs d’IoT et d’intelligence artificielle. « Ce type d’accord nous permet de nous concentrer sur le développement logiciel tout en bénéficiant de leur force de frappe commerciale », juge-t-il. Un segment de marché amené à progresser dans les mois qui viennent alors qu’il ne concentre que 10 % de l’activité.

Gestion capitalistique

Cette réussite de la PME auvergnate attise les convoitises. « Nous recevons des sollicitations de la part d’investisseurs toutes les semaines, mais Braincube n’est pas à vendre. Notre taille critique fait qu’on est de plus en plus reconnu et convoité », note Laurent Laporte.

S’ils se sont bien ouverts à des investisseurs en 2018 pour un premier tour de table de 12 millions d’euros (Iris Capital et Next 47, un fonds du groupe Siemens), les trois fondateurs restent largement majoritaires. « Notre objectif est de garder la maîtrise de l’entreprise. Avec ce premier tour de table très élevé, nous sommes parvenus à maximiser la valeur de l’entreprise sans trop diluer le capital. Cela nous permet donc d’envisager une nouvelle levée de fonds l’an prochain en pouvant légitimement espérer tripler ou quintupler ce montant », parie Laurent Laporte.

D’autant que la société peut compter, après la crise, sur une trésorerie bien fournie et des revenus récurrents. Une résilience qui inscrit la stratégie de la société dans un temps long. « Nous avançons au rythme de l’industrie », synthétise le dirigeant.


La vie de château en Auvergne

Braincube a racheté le château de Peix à Issoire pour en faire ses nouveaux locaux. — Photo : Ludovic Combe

Depuis la fin de l’année 2018, Braincube a pris ses quartiers dans le château de Peix, à Issoire. Un vaste domaine dans lequel la PME a installé son siège mais aussi son centre de recherche et développement. Face à la croissance rapide et soutenue de l’activité, elle projetait également de faire construire 1 500 m² de bureaux autour du château pour accueillir l’ensemble des collaborateurs du siège pour un investissement de 3,5 M€. « Les travaux devaient démarrer en mai, ils sont décalés à septembre mais nous nous laissons le temps de voir si, avec le développement du télétravail pendant la crise, ce type d’investissement est toujours pertinent », explique le dirigeant. L’entreprise a recruté 40 nouveaux collaborateurs en 2019 et doit continuer à étoffer ses équipes en 2020. Les recrutements se feront principalement sur des postes de développeurs informatiques et de commerciaux.

Mais l’ensemble des salariés ne sont pas tous situés en Auvergne. En attendant de pouvoir s’installer début 2021 au Campus Région du numérique à Lyon au sein du consortium « Go to smart factory » aux côtés de Siemens, du Cetim, de l’École des Mines de Saint-Etienne et de Fealinx, Laurent Laporte vise aussi l’ouverture de bureaux en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Depuis 2009, Braincube détient une filiale à Sao Paulo (Brésil) et deux aux États-Unis, dans le Wisconsin et le Maine.

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