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Après le verdict des urnes, l'inquiétude des milieux économiques lyonnais
Lyon # Politique économique

Après le verdict des urnes, l'inquiétude des milieux économiques lyonnais

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Alors que le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet (EELV) et le futur président du Grand Lyon Bruno Bernard (EELV) doivent être respectivement élus les 2 et 4 juillet, les milieux économiques lyonnais, Medef Lyon Rhône et CPME du Rhône en tête, listent leurs sujets d’inquiétude.

Avenir de l'aéroport, liens entre Lyon et Saint-Etienne, rayonnement international et attractivité... Depuis le verdict des élections dimanche, les patrons lyonnais redoutent une vie économique sous cloche — Photo : ©Alexi Tauzin - stock.adobe.com

Pas d’économie sans confiance. L’adage prend, depuis le 28 juin au soir, tout son sens dans la capitale des Gaules. Après la vague verte qui a submergé Lyon, les milieux économiques lyonnais ont perdu leurs repères. Et pour cause. Depuis 19 ans, Gérard Collomb, l’ancien édile et président du Grand Lyon, construisait avec les acteurs économiques une ville de plus en plus internationale et tournée vers l’activité économique. Un héritage légué par Raymond Barre, son prédécesseur. Ainsi, depuis des décennies, vies politique et économique font plutôt bon ménage entre Rhône et Saône.

François Turcas, le président de la CPME du Rhône, a le même âge que Gérard Collomb. Les deux hommes se fréquentent et s’estiment – sans pour autant être amis - depuis trente ans. Au Medef, Laurent Fiard, fondateur et président du groupe coté Visiativ, a fait une entrée plus récente dans le paysage institutionnel lyonnais, en prenant la tête du Medef Lyon Rhône en 2014.

Bruno Bernard non reçu par le Medef

Les deux syndicats patronaux entendaient prendre leur part dans le débat politique local. Et ont d’ailleurs organisé durant la campagne des "oraux" durant lesquels les candidats sont venus présenter leurs projets aux adhérents. La CPME les a tous reçus, tandis que le Medef s’est contenté d’inviter David Kimelfeld, président de la Métropole sortant sans étiquette, François-Noël Buffet (LR) et Gérard Collomb (à l’époque LREM), tous applaudis à la fin de leur présentation. Bruno Bernard, tête de liste EELV à la Métropole vainqueur le 28 juin, fut le grand absent de ces oraux. « Lorsque nous avons programmé ces sessions, nous n’avions pas noté la candidature de Bruno Bernard, qui nous l’a reproché sur Twitter », admet Laurent Fiard.

« Ce n’est pas avec des pistes cyclables que l’on va trouver des contrats d’apprentissages pour les jeunes à la rentrée »

Depuis, les uns et les autres ne se sont pas parlé. « J’ai lu qu’il voulait faire de la relance grâce à la commande publique, c’est positif mais c’est peu, claque Laurent Fiard. Ce n’est pas avec des pistes cyclables que l’on va trouver des contrats d’apprentissages pour les jeunes à la rentrée. Pour moi, il est important de corriger le flou artistique ». Et de citer en vrac l’importance de flécher la consommation pour qu’elle profite aux commerces notamment locaux, mobiliser l’épargne des Français pour qu’elle alimente les entreprises, « la condition pour retrouver une industrie souveraine ».

"Business friendly"

Cet acteur du numérique, dont l’entreprise emploi plus de 1 000 salariés, aurait « adoré une année blanche. Un changement politique au cœur d’une crise économique, ça n’arrange personne ». De fait, depuis dimanche, les règles du jeu sont rebattues, les pratiques restent à inventer. Et la méconnaissance génère beaucoup de méfiance.

Parmi les craintes des décideurs, celle de voir Lyon perdre son attractivité. Lyon peaufine depuis 20 ans un marketing territorial copié par toutes les métropoles françaises, permettant de flécher les entreprises vers des quartiers thématiques : « District Gerland » pour les biotechs, Usin à Lyon-Parilly pour les start-up industrielles, la Vallée de la Chimie au sud de la ville pour l’industrie lourde, Confluence ou Part-Dieu en centre-ville pour les sièges tertiaires de grands groupes. « Demain, Lyon sera-t-elle encore "business friendly" ? », s’interroge un dirigeant d’entreprise lyonnais.

Moins de dialogue entre Lyon et Saint-Etienne ?

Redoutée également, la perte du lien tissé ces cinq dernières années entre Lyon, Saint-Etienne et Roanne. « On ne sait pas ce que cela va donner, souffle François Turcas. Les budgets sont communs. Comment vont s’entendre Gaël Perdriau, maire et président (LR) de Saint-Etienne Métropole, avec ses acolytes lyonnais EELV ? ». Or, selon lui, il existe « une belle dynamique, des courants d’affaires prennent de l’ampleur à travers la Chambre de Commerce Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne, l’agence d’attractivité Aderly Lyon Saint-Etienne et French Tech One Lyon Saint-Etienne », liste François Turcas, qui redoute un espacement puis un arrêt du dialogue.

Un sujet « poil à gratter » devrait aussi très vite s’inviter dans le débat : le développement de l’aéroport Saint-Exupéry. Un « fleuron local », selon François Turcas. « Il devenait une référence européenne, au point que son actionnaire Vinci Airports souhaite en faire un site d’expérimentation d’innovation », souligne l’élu CPME, qui redoute une mise sous cloche. Interrogation aussi quant au devenir des projets structurants tels que l’Idex, le projet d’initiative d’excellence qui devait placer les universités de Lyon et Saint-Etienne sur la scène internationale, récupérant au passage une manne financière de plusieurs dizaines de millions d’euros.

La porte est "ouverte"

Laurent Fiard redoute aussi un ralentissement du rythme des foires et expositions. « J’organise le Congrès Entreprise du Futur chaque année à la Cité Internationale. Si le mot congrès fait peur à Lyon, j’irai ailleurs, je suis sollicité. Mais si Bruno Bernard et Grégory Doucet veulent bien regarder sous le capot, ils verront que l’on propose de l’innovation, du numérique, de l’intelligence collective. C’est avec ces éléments que l’on arrivera à sauver la planète ».

Comme figé depuis dimanche soir, le (petit) monde économique lyonnais garde la porte grande ouverte. « Nous attendons avec impatience un e-mail nous invitant à nous rencontrer dès lundi prochain. Collectivement, avec la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, la CCI, la CPME et le Medef, nous répondrons présents », fait savoir le patron du Medef. « Il faut se préoccuper de la relance, et on a besoin d’un président de la Métropole qui mette le monde économique en confiance », interpelle, gravement, le PDG de Visiativ.

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