Ain : AAA, une "licorne" prête à bondir sur le marché américain
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Ain : AAA, une "licorne" prête à bondir sur le marché américain

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La discrète biotech de l'Ain Advanced Accelerator Applications (AAA), valorisée 1,2 milliard de dollars sur le Nasdaq, attend l'enregistrement par les autorités américaines de son produit Lutathera. Un feu vert, s'il est accordé, synonyme d'envolée pour ce champion de la médecine nucléaire.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Le calme avant la tempête... « Cet enregistrement par la FDA pourrait, il est vrai, bousculer la vie de l'entreprise », admet volontiers Stefano Buono, cofondateur et directeur général de AAA (acronyme de Advanced Accelerator Applications). De quoi s'agit-il au juste ? De l'autorisation de mise sur le marché (AMM) américain du Lutathera, retoquée en 2016 mais espérée pour 2017. « C'est notre produit phare qui répond à un véritable vide thérapeutique dans le traitement des tumeurs neuroendocrines, une maladie orpheline », précise ce physicien italien, "ex" du CERN, le plus grand laboratoire de recherche au monde pour la physique des particules, qu'il a quitté en 2002 pour lancer AAA.

Bureaux dans l'Empire State Building

Une AMM, si elle accordée, synonyme d'horizons plus que prometteurs pour cette biotech, basée à Saint-Genis-Pouilly (Ain), devenue depuis son entrée au Nasdaq en 2015 l'une des très rares " licornes " (ces start-up valorisées plus d'un milliard de dollars) de la région. « Fin 2016, nous étions à 1,2 milliard de dollars. Et depuis, l'action a augmenté... ».

Une valorisation qui pourrait donc bien exploser lors de l'entrée officielle sur le marché US du Lutathera, issu de la médecine nucléaire moléculaire - la spécialité de AAA - et qui permet d'irradier les tumeurs cancéreuses de l'intérieur. L'élément radioactif qu'il contient se désintègre et émet en effet des rayonnements qui vont entraîner la mort des cellules cancéreuses, en limitant les effets sur les cellules saines qui sont autour. Plusieurs essais cliniques, menés en Europe et aux États-Unis, ont montré que Lutathera permet de ralentir très sensiblement la progression des tumeurs, et d'améliorer la survie des patients. Un traitement « déjà disponible en France, dans 14 centres spécialisés, via une autorisation temporaire d'utilisation, et dans 9 autres pays où toutefois il n'est pas remboursé », précise Stefano Buono.

En parallèle, la biotech - qui dispose au total de 22 sites de production - commercialise un traceur permettant de visualiser les cellules tumorales. Une solution, baptisée Gluscan, laquelle lui assure un chiffre d'affaires permanent, établi à 100 millions d'euros en 2016. Un autre kit de diagnostic utilisé pour la localisation de tumeurs neuroendocrines qui vient d'être enregistré par la FDA, pourrait également faire exploser les compteurs de l'entreprise. « Il s'agit du Netspot. En moins d'un semestre, ses volumes de ventes outre-Atlantique ont atteint 1,7 million de dollars. C'est très encourageant pour la suite alors que ce traitement est depuis le 1er janvier remboursé sur le marché US », poursuit Stefano Buono, qui passe désormais une grande partie de l'année à New York, dans les bureaux de l'entreprise abrités au 69e étage du prestigieux Empire State Building. « Nous avons aussi, depuis deux ans une unité de production à Milburn dans le New-Jersey. Les États-Unis représentent clairement le plus important levier de croissance pour l'entreprise ».

Même si son ADN est tricolore (sur les 500 salariés de l'entreprise, une centaine est encore basée en France), la biotech a donc les yeux rivés sur l'Amérique. D'autant plus qu'elle y a récemment bouclé une augmentation de capital record. « 172,5 millions de dollars levés sur le Nasdaq au lieu des 125 millions de dollars que nous visions au départ », relève son dirigeant. « La demande sur notre titre est très forte. Il y a aux US dix fois plus d'investisseurs dans notre domaine qu'en Europe. Si nous le voulions, nous pourrions lever bien plus encore ».

"Coup de projecteur"

Les raisons d'un tel appétit pour ce (petit) acteur français ? « Les fondamentaux de l'entreprise sont bons », défend son cofondateur. « Notre Ebitda est positif depuis 2006, ce qui est rare pour une biotech. Conséquence : nous avons brûlé peu de capitaux pour arriver à mettre nos produits sur le marché ».

Autre ligne de force de l'entreprise : sa réputation au sein de la communauté scientifique. La prestigieuse revue " New England Journal of Medicine " a ainsi publié le mois dernier les résultats évaluant le produit Lutathera. « Un article dont rêve toute biotech », appuie Stefano Buono. « C'est un coup de projecteur formidable sur l'état d'avancement de nos recherches ». Et l'homme de viser pour AAA une valorisation à 10 milliards de dollars à l'horizon 2020/2022. « Un objectif dans nos cordes », sourit-il.

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