Abandon de l'A45: « Et pourquoi pas un aérotrain pour relier Lyon à Saint-Etienne ? »
Interview # Infrastructures

Christian Brodhag vice-président du conseil de développement de Saint-Etienne Métropole Abandon de l'A45: « Et pourquoi pas un aérotrain pour relier Lyon à Saint-Etienne ? »

S'abonner

La déclaration d’utilité publique de l’A45 est arrivée à échéance le 16 juillet, enterrant ainsi ce vieux serpent de mer d’infrastructure autoroutière. Pour l’ex-porte-parole des Verts et ancien délégué interministériel au Développement Durable, Christian Brodhag, il s’agit là d’une bonne nouvelle pour l’environnement. Reste désormais à trouver les alternatives pour répondre aux enjeux économiques du développement de l’axe Saint-Etienne-Lyon. L’une d’elles pourrait mener à une nouvelle infrastructure de type aérotrain.

— Photo : DR

La déclaration d’utilité publique de l’A45 est arrivée à échéance le 16 juillet, enterrant du même coup ce vieux serpent de mer d’infrastructure autoroutière entre Saint-Etienne et Lyon. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Christian Brodhag : L’A45 était un projet pensé il y a 30 ans avec les outils d’il y a 30 ans. Son abandon est donc une bonne nouvelle pour l’environnement. Cela étant, il faut désormais passer à autre chose, entrer dans un monde nouveau et faire en sorte que les acteurs des deux métropoles que sont Lyon et Saint-Etienne se mettent rapidement autour de la table pour réfléchir sérieusement à des alternatives.

Le 24 mai 2019, le préfet de Région avait convié l’ensemble des acteurs pour réfléchir à des solutions d’amélioration du réseau existant. Ces améliorations du réseau ferré et de l’A47 sont-elles des solutions suffisantes pour résoudre les problématiques d’embouteillage entre Lyon et Saint-Etienne ? Embouteillages qui, selon l’enquête publique des services de l’État, feraient perdre au monde économique 500 millions d’euros par an.

Christian Brodhag : Les améliorations envisagées sont nécessaires mais à mon sens insuffisantes. Ce sont des solutions a minima, qui sont aussi le résultat du boycott de cette réunion par les élus (Gaël Perdriau, Georges Ziegler et Laurent Wauquiez, NDLR), qui ont préféré adopter la posture « A45 ou rien ! ». Mais tout cela est de l’histoire ancienne. Il faut désormais sortir des postures idéologiques et réfléchir la liaison Saint-Etienne-Lyon en termes d’approche globale et de services.

C’est-à-dire ?

Christian Brodhag : Avec les infrastructures actuelles, on peut améliorer les choses. On pourrait déjà commencer par réfléchir à une régulation active de la vitesse sur l’A47 de manière à limiter la formation des bouchons. Quand le trafic est dense, on abaisse la vitesse de circulation comme cela a été mis en œuvre sur le périphérique de Lyon. Cela avait été étudié sur l’A47 mais, au nom de l’A45, on a toujours fait en sorte de ne pas améliorer la situation. On pourrait aussi mettre en place un contrat d’axe, comme cela avait été proposé par le Conseil de développement de Saint-Etienne Métropole.

« Il faut massifier le covoiturage entre Saint-Etienne et Lyon »

Ce contrat permettrait de gérer les infrastructures existantes dans une logique coordonnée, orientée vers les services. Ce qui n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Quand on réalise des travaux sur la voie ferrée, on sait très bien que cela va se reporter sur l’A47 avec des bus en plus. Et pourtant, cela n’a jamais été anticipé. Au contraire, on se rend bien souvent compte qu’au même moment des travaux sont engagés sur l’autoroute. On ne peut pas fonctionner chacun dans son coin. Il faut une gestion planifiée et coordonnée qui permette d’optimiser les infrastructures existantes avec ce souci de servir l’usager. Et ce, d’autant plus si l’on part sur des travaux d’amélioration de l’A47 comme cela a été évoqué par le préfet de Région.

Régulation active, gestion coordonnée… N’est-ce pas un peu juste pour parvenir à une circulation plus fluide et efficiente entre Lyon et Saint-Etienne ?

Christian Brodhag : Vous avez raison, il faut aller plus loin. Et pour aller plus loin, je pense qu’il faut massifier le covoiturage entre Saint-Etienne et Lyon. Aujourd’hui, l’occupation moyenne des véhicules est de 1,1 voyageur par automobile aux heures de pointe. Si on parvenait à passer à 1,3 ou 1,4, nous n’aurions plus d’embouteillages. Or, aujourd’hui on sait parfaitement mettre en place le covoiturage. La loi permet d’ailleurs de mettre en place sur certains axes aux heures de pointe des voies réservées pour des véhicules avec deux ou trois passagers minimum. Cela se fait en Californie depuis 30 ans. Une autre solution, qui a d’ailleurs pris tout son sens avec le Covid-19, c’est de favoriser le développement du télétravail de manière à diminuer les liaisons domicile travail entre Saint-Etienne et Lyon.

Et la possibilité d’une nouvelle infrastructure ?

Avec l'Hyperloop et ses 1 200 km/h de pointe de vitesse, Lyon ne serait plus qu'à 8 minutes de Saint-Etienne. — Photo : DR

Christian Brodhag : Une infrastructure alternative à l’A45 est possible et sans doute souhaitable. Et ce, d’autant plus que la voie ferrée est une infrastructure ancienne, dans un tracé ancien, avec des risques d’éboulements potentiels et des difficultés constantes. Il faudrait donc lancer une étude pour une nouvelle infrastructure de type « aérotrain » avec une évaluation des différentes solutions candidates. Bien entendu il y a l’Hyperloop (Concept de capsules de transport lancées à 1 200 km/h dans des tubes à basse pression, inventé par Elon Musk et opéré en France par les sociétés Transpod à Limoges et HTT à Toulouse, NDLR). Mais ce n’est peut-être pas la solution optimum pour la distance Saint-Etienne-Lyon. L’Hyperloop est fait pour les grandes distances et les grandes vitesses. Cela dit, nous aurions pu nous inscrire dans le cadre d’une phase de développement technologique. Il y a trois ans, le canadien Transpod cherchait un parcours d’un kilomètre pour mettre en place une voie expérimentale. Nous n’étions pas capables de le leur fournir et c’est Limoges qui a obtenu le projet.

« Si on lance les études aujourd’hui, et que tout le monde tire dans le même sens, on peut raisonnablement espérer déboucher sur une nouvelle infrastructure à horizon 2030 »

Mais aujourd’hui, ils sont à la recherche d’un tronçon de 10 km intégrable dans une future infrastructure. Nous avons donc peut-être encore une carte à jouer qui pourrait d’ailleurs être bénéfique pour notre tissu industriel. L’Hyperloop, ce n’est pas une grosse industrie qui débarque sur un territoire. C’est une idée, un concept et ensuite vous avez des entreprises qui assemblent des compétences pour résoudre des problèmes technologiques. Il y a donc de la sous-traitance à aller chercher et la possibilité d’associer notre tissu économique local au développement de cette technologie. C’est la vision que j’avais défendue il y a trois ans mais je m’étais heurté aux blocus des industriels locaux qui considéraient que c’était une manœuvre de diversion contre l’A45.

Outre l’Hyperloop, quelles sont les autres technologies de type « aérotrain » envisageables pour un axe Saint-Etienne-Lyon ?

Christian Brodhag : Deux technologies sont actuellement en train d’émerger. La première c’est le SpaceTrain, une technologie fondée sur le concept et l’expérience de l’aérotrain de Bertin. Il s’agit d’une technologie monorail sur coussin d’air qui permet de voyager à des vitesses de 500 km/h. Un consortium se monte en ce moment pour relancer et moderniser cette technologie qui pourrait parfaitement épouser le tracé de l’A45 mais au lieu d’avoir une autoroute, nous aurions une infrastructure à l’impact environnemental beaucoup plus faible. Enfin, la troisième solution c’est le Supraways, On est là sur un projet un peu différent avec des capsules suspendues à un monorail et une vitesse de pointe de 100 km/h. On est donc loin des 8 minutes promises par l’Hyperloop entre Saint-Etienne et Lyon mais l’intérêt de cette technologie, c’est qu’elle peut facilement se distribuer sur l’ensemble d’un territoire avec des arrivées dans des gares intermédiaires ou des stations de métro. Cette technologie est aujourd’hui testée à Lyon dans le cadre d’un incubateur dans lequel on retrouve notamment le groupe Michelin. Un premier démonstrateur devrait être déployé sur le Plateau de Saclay dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Le SpaceTrain est une technologie basée sur un concept de train monorail qui circule à grande vitesse sur coussins d'air — Photo : SpaceTrain

Les solutions technologiques existent, que faut-il désormais faire ? Lancer des études comparatives ?

Christian Brodhag​​​​​​​ : Il faut effectivement lancer des études de faisabilité mais en prenant en compte l’insertion d’une éventuelle nouvelle infrastructure dans l’ensemble du système de transport de l’aire métropolitaine Saint-Etienne-Lyon. Nous avons aujourd’hui les outils informatiques pour connaître les impacts des différentes solutions évoquées (covoiturage, régulation active, nouvelle infrastructure) sur les flux des autres moyens de transport et la circulation globale. Je prône donc la mise en place d’une modélisation complète de la liaison Saint-Etienne-Lyon. Si on optimise l’existant, on peut déjà gagner beaucoup mais cela ne sera sans doute pas suffisant et il faut envisager dès maintenant une nouvelle infrastructure sur la base de simulations et d’études comparatives en termes de coûts prévisionnels.

Une infrastructure de type « aérotrain » est-ce, en termes de coût et de durée de réalisation, une solution crédible pour répondre aux enjeux économiques du développement de l’axe Saint-Etienne-Lyon ?

Christian Brodhag​​​​​​​ : Seule une mise à l’étude pourra répondre à cette question. Ce que je sais, c’est qu’au rythme classique des autoroutes, un nouveau projet, nous renvoie à un horizon de 15 à 20 ans mais avec les nouvelles technologies, les temps de développement sont beaucoup plus courts. Si on lance les études aujourd’hui, et que tout le monde tire dans le même sens, on peut raisonnablement espérer déboucher sur une nouvelle infrastructure à horizon 2030.

L’arrivée des élus EELV à la tête de Lyon peut faciliter les choses ou au contraire cristalliser les tensions avec les élus ligériens ?

Christian Brodhag​​​​​​​ : Quand j’avais parlé d’Hyperloop à la Région, les élus EELV étaient réticents. C’est vrai que par nature, ils sont plutôt anti-infrastructures. Mais ma position d’améliorer et optimiser l’existant tout en étudiant la possibilité d’une nouvelle infrastructure pourrait aussi permettre de créer un consensus. Encore faut-il que du côté stéphanois, on sorte de la posture « A45 sinon rien ! »

Lyon Saint-Étienne # Infrastructures