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Transgene teste un vaccin sur mesure contre le cancer
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Transgene teste un vaccin sur mesure contre le cancer

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Transgene a injecté 3 millions d'euros dans un laboratoire pour créer des vaccins anti-cancer individualisés, adaptés aux tumeurs de chaque patient. La biotech a renouvelé tout son catalogue de traitements expérimentaux. Objectif : améliorer le taux de survie et livrer l’industrie pharmaceutique.

— Photo : © Transgene

Un traitement futuriste verra-t-il bientôt le jour en Alsace ? Transgene planche en effet sur les premiers « vaccins anti-cancer individualisés ». C’est-à-dire conçus pour s’attaquer spécifiquement à la tumeur d’un patient X ou Y.

Illustration avec son vaccin expérimental « TG4050 », qui vise à combattre les cancers de l’ovaire, de la tête et du cou. Les chercheurs effectuent d’abord un séquençage ADN afin de connaître la composition de la tumeur. Puis ils utilisent un virus pour transporter des antigènes, des molécules caractéristiques de cette tumeur, dans l’organisme. Le corps humain va alors opposer une réponse immunitaire au virus, mais également considérer les antigènes comme dangereux, car associés au virus. « On éduque le corps à combattre les tumeurs, en apprenant aux défenses immunitaires des patients à chasser elles-mêmes les cellules cancéreuses », vulgarise Jean-Philippe Del, directeur financier de Transgene (150 salariés, 6,7 M€ de CA). « Notre approche commence à faire ses preuves, comme le soulignent les premiers résultats prometteurs de TG4001, que nous comptons présenter rapidement à un congrès scientifique ».

Intelligence artificielle japonaise

Pour ce produit, un concentré de nouvelles technologies a été déployé en laboratoire. Une intelligence artificielle sélectionne ainsi « les mutations tumorales pertinentes » à intégrer au vaccin, programme conçu par le japonais NEC. Le géant de l’électronique cofinance le développement clinique de ce premier vaccin thérapeutique personnalisé. Depuis début 2020, deux études de « phase 1 » réunissent plusieurs dizaines de patients en France, en Angleterre et aux USA. Premiers résultats attendus au premier semestre 2021.

Virage technologique

Pour fabriquer ses lots de vaccins, la biotech a injecté trois millions d’euros dans ses locaux d’Illkirch-Graffenstaden, pour créer deux nouveaux laboratoires dotés d’isolateurs, ces vastes caissons stériles où sont manipulés les virus. Autre approche prometteuse, l’utilisation de virus oncolytiques pour traiter les cancers colorectaux, notamment. Modifiés génétiquement ces missiles à tête chercheuse s’attaqueront directement et uniquement aux cellules malades, en larguant au passage dans la tumeur des agents anti-cancéreux (anticorps, molécules de chimiothérapie…) et en activant les défenses immunitaires.

Levée de fonds de 48 M€

Transgene mise donc aujourd’hui sur quatre vaccins thérapeutiques et oncolytiques. Des solutions nouvelle génération qui pourraient être la clé du financement. « Sans ces nouvelles approches, nous aurions eu plus de difficultés à lever des fonds », estime son directeur financier. Pour rappel, la filiale de l’Institut Mérieux (qui détient 60 % du capital) a levé 48 millions d’euros l’an dernier, pour deux tiers auprès de sa maison mère et le reste en Bourse. La trésorerie de Transgene lui offre désormais « une visibilité jusqu’en 2022 ».

Comme les autres biotech, elle parie sur l’avenir. Et sur la future vente de licences d’utilisation (ou la cession des droits) de ses technologies et traitements expérimentaux à l’industrie pharmaceutique, comme elle l’a fait par le passé auprès des groupes Roche et Novartis en 2007 et 2010. « Ce type d’opérations peut potentiellement rapporter des dizaines de millions d’euros par candidat médicament licencié », quantifie Jean-Philippe Del.

Transgene entend aussi tirer des revenus via des royalties, en cas de mise sur le marché d’un traitement par un client. Ce qui n’est pas encore arrivé jusqu’ici. Dans tous les cas, la biotech ne s’engage jamais jusqu’à effectuer elle-même la mise sur le marché, un processus coûteux. Le dernier stade d’essais - la phase 3 - nécessitant une enveloppe de « 50 à 100 M€ ».

Après avoir enregistré peu d’exercices rentables depuis 2000, (avec une perte nette de 18,8 M€ en 2019), la biotech espère bientôt récolter les fruits de son travail. En attendant, elle a déjà augmenté ses prestations de R & D, qui lui ont permis de générer 6,7 M€ de CA en 2019 (1,8 M€ en 2018, et 2,1 M€ en 2017). Le laboratoire AstraZeneca a par exemple déboursé 10 millions de dollars pour recevoir récemment cinq virus oncolytiques, avant même la phase d’essai clinique. La biotech vient par ailleurs d’encaisser une première tranche de 20 millions d’euros grâce à la vente des droits de deux produits en Chine.

Prochaine étape pour ses médicaments expérimentaux ? « Les premiers résultats des essais cliniques devraient s’étaler entre 2020 et fin 2021 », annonce Jean-Philippe Del. De nouvelles discussions auront alors lieu avec l’industrie pour financer d’autres phases d’essais ou l’acquisition de licences.

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