Présidentielle : Les mesures-choc des patrons alsaciens
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Présidentielle : Les mesures-choc des patrons alsaciens

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Pragmatiques, idéalistes, parfois provocateurs ou excessifs... les patrons alsaciens nous confient, à quelques semaines de la présidentielle, les mesures qu'ils prendraient s'ils étaient au pouvoir. Leurs idées trahissent surtout les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien dans leurs entreprises.
— Photo : Le Journal des Entreprises

«Créer une école pratique de l'entreprise». Fondateur et président du réseau Capital Initiative (Bollwiller), l'expert-comptable René Hans veut mettre les jeunes sur la voie de l'entrepreneuriat, susciter des vocations dans une population dont l'ambition est, selon lui «de devenir fonctionnaire». «Cette école doit permettre de les éduquer et de les accompagner dans la création d'entreprise. Il y en aurait une par région et chaque jeune serait soutenu par des parrains chefs d'entreprises locaux. Cette école s'adosserait également à un fonds permettant l'amorçage des projets, dans un monde où il y aurait également «moins de contrôles et de procédures qui sont des barrières à l'entrepreneuriat».




«Sanctuariser la place des PME dans notre économie».

Voilà un thème qui, selon Éric Senet, co-président du groupe Flam's (Strasbourg), devrait transcender le clivage droite-gauche. «Ce sont elles qui créent l'emploi. Il faut leur assurer une stabilité fiscale et sociale», poursuit-il, «et c'est pour cela que je souhaiterais que pendant un certain temps, on gèle toute nouvelle mesure ou réforme». Le temps pour les entreprises de digérer les dernières mesures. Au-delà, Éric Senet souhaiterait que les lois soient précédées d'une étude d'impact sur l'activité des PME. «Plus que jamais, les politiques doivent penser PME».




«Valoriser le travail de nos Hommes et de nos entreprises».

Selon Betty Muller, dirigeante des transports TYM (Illzach), la mise en place d'un cadre favorable à la vie et au développement des PME passe par «une plus grande valorisation de notre travail». «Il faut un plus grand respect entre les entreprises dans les affaires, un respect de la valeur des hommes et du matériel mis en oeuvre», estime-t-elle, confrontée dans son secteur à une concurrence venue de l'Est. Cette valorisation du travail passerait notamment, selon elle, par une inclusion du versement des participations aux salariés dans les charges de l'entreprise. «Si on pouvait défalquer les primes versées du résultat avant impôts, ce serait une forme de reconnaissance. Cela ferait moins d'argent dans les caisses de l'État, mais il s'y retrouverait avec une consommation plus forte».




«Professionnaliser l'apprentissage».

Présidente de Strub SA (Duppigheim), Marie-Elisabeth Lanoux est catégorique: «vouloir imposer un quota d'apprentis dans les entreprises est un constat d'échec». Selon elle, le développement de l'apprentissage doit être le fait des entreprises artisanales et des PME. «Cela passe par une meilleure reconnaissance du travail d'accompagnement du maître d'apprentissage. À l'instar des professeurs, ils doivent percevoir une rémunération de l'État pour les heures qu'ils passent à encadrer les jeunes au détriment de leur vie privée, parfois», explique-t-elle. «En échange, il faut qu'ils soient mieux formés à la pédagogie et qu'ils acceptent d'être "contrôlés" par les professeurs», conclut Marie-Elisabeth Lanoux.




«Supprimer l'impôt sur les sociétés». Une idée forte défendue par Laurent Abert, qui, sous la holding Abert Investissements, dirige une dizaine de sociétés, dont KS Tools (Haguenau). «L'IS, c'est une sortie de cash immédiate pour nos entreprises, c'est de la trésorerie que l'on sort», justifie-t-il, «et il n'y a pas de délai de paiement». Selon lui, cela freine la capacité des entreprises à investir ou à renforcer leurs fonds propres. «On pourrait en reverser une partie sous forme de participation pour renforcer le pouvoir d'achat de nos salariés et dynamiser la consommation». Et, du coup, les rentrées de TVA dans les caisses de l'État.

«Lisser le versement du crédit impôt recherche». À la tête de la start-up Greenivory (Haguenau), Jean-Georges Perrin l'affirme: «le CIR est un système déclaratif, pratique, mais si son versement pouvait être lissé dans le temps, ce serait un vrai plus». À la clé, selon lui, «une meilleure gestion de la trésorerie de l'entreprise et un maintien, tout au long de l'année, de notre capacité à investir en R&D avec un effet de levier plus sensible». «Cette idée est d'autant plus pragmatique qu'à l'heure actuelle, quand vous arrivez devant votre banquier avec un dossier CIR sous le bras pour une avance de trésorerie, il ne le considère pas comme une créance sur l'État».

«Réduire encore les délais de paiement interentreprises». Cette idée émane de Christine Jacglin, directrice générale de la Banque populaire d'Alsace et présidente du comité local des banques. «Malgré la Loi LME, qui vise à réduire les délais de paiement, et une directive européenne de février dernier visant à harmoniser cette question à l'échelle européenne, trop de prétextes servent encore aujourd'hui à retarder les délais de paiement entre les entreprises», explique-t-elle. «Cela défavorise le plus souvent les TPE et les PME le plus souvent au profit des grands groupes et des collectivités», poursuit-elle. Avec un impact sur la trésorerie, sur le recours au financement bancaire et sur la marge de l'entreprise en raison des frais financiers. «Beaucoup d'entreprises dépendent du financement bancaire à cause de cette pratique. Il faudrait moraliser un peu tout cela», conclut-elle.

«Renforcer la représentativité des syndicats». La qualité du dialogue social fait aussi partie des préoccupations des dirigeants. «Il y a un vrai problème de représentativité des syndicats et l'on perd un temps fou dans des discussions souvent stériles», estime Patrick Vivès, président d'Etesia (Wissembourg). «Les discussions et négociations ne devraient être imposées qu'avec des syndicats qui ont atteint un certain seuil de représentativité», avance-t-il, «et si les syndicats ne sont pas représentatifs, pourquoi ne pourrions-nous pas instaurer des référendums internes à l'entreprise?», interroge-t-il.

Témoignages recueillis par Philippe Armengaud

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