Le chocolat est produit dans 45 pays à travers le monde et 16 % de sa production provient d’Amérique du Sud. À des milliers de kilomètres de ce continent, un artisan alsacien a fait des fèves de cacao sa passion. Au point d’acquérir une plantation en Colombie qui commence déjà à porter ses fruits réinvestis en partie pour le développement économique et social local. Le chocolatier Thierry Mulhaupt emploie une vingtaine de salariés en Alsace et réalise 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires avec deux boutiques à Strasbourg et Colmar et son siège et atelier à Mundolsheim.
Après plusieurs voyages en Amérique du Sud et plus particulièrement en Colombie en 2017, Thierry Mulhaupt et son épouse Corinne ont voulu tenter l’aventure de la production de cacao. En 2019, le couple a acquis une finca ou ferme alors en monoculture de banane plantain dans la cordillère centrale des Andes à 1 000 mètres d’altitude. La ferme comprend aussi un hôtel de dix chambres qui devrait recevoir ses premiers visiteurs quand le secteur du tourisme aura repris une activité plus apaisée après la crise sanitaire.
Agroforesterie et biodiversité
Le couple d’Alsaciens a donc investi un million d’euros dans le projet et est devenu actionnaire majoritaire à 65 % aux côtés d’un chef d’entreprise colombien, associé à 35 %. Sur cette exploitation de dix hectares, les associés ont fait appel à un ingénieur agronome colombien pour mettre en place un mode d’exploitation traditionnel où différentes cultures sont plantées au même endroit et pour développer l’agroforesterie, ou "l’association d’arbres à une culture agricole pour la protection des sols et de la nature", expliquent Thierry et Corinne Mulhaupt. Par cette démarche, la végétation s’est développée au-delà de leurs attentes pour devenir un réservoir de biodiversité. "On y dénombrait déjà 70 espèces d’oiseaux rares et exotiques, aujourd’hui, elles sont près de 140", énumère Thierry Mulhaupt. Sous l’ombrage des bananiers, il a fait planter, en avril 2019, 1 625 cacaoyers. Depuis, l’exploitation en compte 5 300 supplémentaires et espère une future labellisation en bio. Des caféiers, des tecks pour les fèves de Tonca, des citronniers, des orangers, des canneliers, des avocatiers ou encore des vanilliers complètent le panel de près de 14 000 arbres dans cette finca franco colombienne d'une dizaine de salariés qui développe le projet social "Cacao for good".
Programme de développement local
À travers ce programme, le couple d’entrepreneurs alsaciens, dont la belle-fille est franco-colombienne, s’engage ainsi à former les paysans au métier de la culture du cacao sans pesticide et aux métiers de l’hôtellerie-restauration. Avec "Cacao for good", plusieurs projets professionnels ont déjà été soutenus financièrement pour des jeunes colombiens de la région, comme une formation de prothésiste dentaire et une formation aux techniques de construction en bambou.
Un échantillon de fèves de cacao a été récolté à l’été 2021. Une première palette doit arriver en Alsace cette année pour être torréfiée dans l’atelier de Thierry Mulhaupt, avec une technique de torréfaction qu’il a développée en 2018. À terme, l’artisan chocolatier vise une production d’environ 12 tonnes de chocolat colombien dont la moitié serait utilisée pour ses propres confections.