Une touche bleu pastel, vert pomme, parfois lilas, colore les assemblées des décideurs en costumes sombres et cravates rayées. C'est elle. Manou avance d'un pas assuré sa silhouette longiligne, distillant sur son passage des «bonjours!» claquants de sourires. Avec elle, l'échange est généreux, en groupe ou en tête-à-tête. En public, sa parole est d'or. Animées d'une belle conviction, ses phrases servent le message.
Ambassadrice
Celui de la présidente des industries de l'alimentaire alsacien devient vibrant pour dresser l'inventaire de leurs atouts. «Président, le secteur emploie 15.000 personnes, il est le deuxième en Alsace», commence-t-elle le 23novembre en présentant à André Reichardt, président du Conseil régional, son plan de dynamisation du secteur. L'agroalimentaire performe régulièrement sur le terrain des exportations, mais Manou ambitionne de meilleurs scores pour l'Alsace. Elle pousse au jeu collectif: «Notre cellule export mutualisée (services des organismes consulaires, Alsace International, direction du commerce) accompagnera les entreprises exportatrices et les premiers pas des primo-exportateurs». Madame Commerce de France (dans l'âme aussi) incite à renforcer les échanges à travers les rencontres d'affaires. Elle pose comme impératif «la maîtrise de la culture de l'autre, en plus de sa langue». Elle en mesure l'importance, elle qui passe 60% de son temps en voyages d'affaires. La distillerie Massenez produit 800.000 bouteilles par an, 88% de sa production est écoulée dans 120 pays. Son père, Gabriel Massenez, en avait défriché une dizaine.
Ici et ailleurs
Entre Gabriel et Manou, il y a d'abord eu Dominique à la direction générale de la distillerie. «À 28 ans, mon frère s'est installé au Chili où il a racheté le vignoble Los Boldos». Manou a donc pris le gouvernail, renforcée par son expérience dans l'entreprise familiale (dès l'âge de 26 ans), pour laquelle elle a cédé son poste de responsable commerciale Est de la France, chez Lotus. «La distillerie a toujours été pour moi une vraie passion» énonce-t-elle d'une voix posée. Et d'effleurer pudiquement les gages de compétences, d'efforts, de renonciations pour convaincre son père. Il ne suffit pas d'être fille de... il faut de la détermination. Qu'à cela ne tienne!
Pour l'anoblir
Manou a rajouté à son bagage un diplôme en oenologie qui fera d'elle une pionnière dans le monde de la formation en eaux-de-vie d'Alsace. Quatrième d'une lignée de distillateurs ayant chacun lancé un best-seller, elle veut «que ce produit obtienne une vraie reconnaissance technique de savoir faire et de tradition». L'idée s'est répandue dans son sillage dans la chaîne des écoles hôtelières en Europe, au Japon, auprès de toques mondialement connues, d'associations de sommeliers, de barmen... Le message les a convertis. En parallèle, elle a développé les relations commerciales et publiques de la distillerie, «avec l'envie de donner du neuf et du jeune!».
L'innovation
Devenue pilote à bord, elle réorganise la production sur le site (à Villé), développe la qualité et mise gros sur l'innovation. Entre autres, elle a installé une colonne de déméthanolisation afin d'enlever le méthanol sans altérer l'arôme et de lever ainsi, les barrières douanières de certains pays. Elle injecte de l'innovation dans les produits (70 sortes différentes), et s'adapte aux marchés de niches en multipliant les partenariats. Dernier en date, avec Fortwenger pour sa liqueur aux pains d'épices. Au besoin, elle jette une pierre -une vodka à la rose- dans le jardin des mastodontes de la Vodka qui mordent sur son secteur. À l'international, plutôt que de multiplier les émissaires en direction de ses marchés cibles, elle se greffe sur ses importateurs pour «décoder et fabriquer la communication, le commercial, le marketing...» Sans faire de vagues, elle trace son sillon, méthodiquement, durablement, portée par une détermination silencieuse.
P-dg de la distillerie Massenez, au Val de Villé, Manou Heitzmann-Massenez championne de l'export, pousse les entreprises de l'Association régionale des industries alimentaires (ARIA) qu'elle préside à se jouer des frontières.
