Maison de l'Alsace à Paris : Un centre d'affaires « politique » ?
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Maison de l'Alsace à Paris : Un centre d'affaires « politique » ?

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Après quatre ans de travaux et 20 millions d'euros investis, la Maison de l'Alsace à Paris est transfigurée et devient aujourd'hui un centre d'affaires au service du business alsacien. L'adresse des Champs-Elysées représente aussi un outil de lobbying politique

— Photo : Le Journal des Entreprises

C'était l'effervescence début décembre à Paris. Plus précisément au 39 avenue des Champs-Élysées. Le monde économique alsacien s'est passé la bonne adresse pour inaugurer son « ambassade ». Acquise en 1968 par les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la Maison de l'Alsace à Paris, historiquement outil de promotion touristique de l'Alsace, a été totalement rénovée. 20 millions d'euros ont été investis par les deux départements alsaciens pour financer les six étages de travaux. Le joyau était jusque-là géré par une société d'économie mixte. Après avoir évoqué une vente, estimée à 100 millions d'euros, les deux conseils départementaux ont finalement décidé de l'avenir du bâtiment cet été. La gestion de cette « ambassade » est confiée à un groupement d'entreprises alsaciennes. Objectif : que la Maison de l'Alsace à Paris/MAP ne coûte plus à ses propriétaires. « La vente du bâtiment aurait certes rapporté dans l'immédiat 40 millions d'euros à chaque département. Pour autant, ce phare sur les Champs-Élysées, c'est une vitrine sur le monde offert à l'Alsace, une chance pour les entreprises alsaciennes. Il faut souligner que sans l'engagement franc et massif de nos sept entrepreneurs, l'avenir alsacien du bâtiment aurait été compromis » estime Éric Straumann, président du département du Haut-Rhin.

1,150 million d'euros de loyer par an

Depuis septembre dernier, la MAP accueille deux locataires qui génèrent ainsi un loyer annuel de 1,150 million d'euros par an partagé entre les deux départements. Le groupe de restauration Bertrand, qui a repris le restaurant « l'Alsace » occupant le rez-de-chaussée et le premier étage, verse un loyer annuel de 650.000 euros. Le groupement d'entrepreneurs s'est quant à lui porté gestionnaire du bâtiment. MDA Partners (Dominique Formhals, Pdg d'Aquatique Show International et Alsace 20, Pierre-Étienne Bindschedler, Pdg de Soprema, Bertrand Jacoberger, Pdg de Solinest, Christian Schmitter, Pdg de Croisieurope, Didier Claudel Pdg de Alyos Technology, Frédéric Rose, gérant d'Anamnesia/Cotavim, Hubert Maet, président des Étoiles d'Alsace), présidé par Dominique Formhals, loue ainsi, pour un bail de trois ans, le reste du bâtiment pour un montant de 500.000 euros par an. « La Maison de l'Alsace était une belle endormie. À part cinq ou six bureaux en état, le bâtiment était très dégradé, il ne donnait plus envie d'y venir. Par manque d'entretien, il avait mal vieilli. Pourtant, c'est un outil magnifique et c'est à nous d'en faire quelque chose. Nous avons un essai pour trois ans » souligne Dominique Formhals, président de MDA Partners. Considéré comme une « ambassade », ce « phare alsacien » au milieu des Champs-Élysées est aussi vu pour le monde économique comme une porte d'entrée en France. « Les clients arrivent à Paris avant d'arriver en Alsace. À nous de les accueillir à cette adresse prestigieuse pour les attirer ensuite chez nous » esquisse Dominique Formhals.

Un outil de développement économique

La Maison de l'Alsace est donc bien considérée aujourd'hui comme un centre d'affaires, avec ses codes et ses quelques privilèges et une sorte de « droit local » à l'entrée... Un club des 100 a été créé pour faire bénéficier aux entreprises alsaciennes adhérentes de services particuliers, comme une remise de 25 % sur les tarifs de location des salles ou encore deux badges d'accès annuels au bâtiment. L'entreprise LDE à Molsheim, (50 personnes, CA 2016 : 30 M?), fait partie de ce Club des 100. « Il s'agit d'une très bonne adresse pour recevoir des clients étrangers ou pour organiser des premiers tours de recrutements, à la fois pour des raisons pratiques mais aussi de coûts. Et cela est bien plus apprécié qu'un salon d'hôtel Ibis Gare du Nord par exemple » témoigne Frédéric Fristch, directeur général de LDE. Et personne ne semble oublié, puisque la Maison s'adresse aussi aux petites entreprises qui n'ont pas de bureaux parisiens. 15 % de remise sont accordés sur le simple principe d'être une entreprise enregistrée en Alsace. Le tout, sans oublier les futures PME de demain, les start-up et entrepreneurs en devenir. En partenariat avec le Crédit mutuel, un espace de coworking accessible à huit start-up alsaciennes est en effet disponible en location à la demi-journée ou à la journée. La start-up colmarienne FizzUp, qui développe une appli de coaching sportif, a par exemple déjà profité de cet espace. « Cela va dynamiser la Maison, la rajeunir et c'est une opportunité énorme pour les jeunes pousses. Nous sommes situés à 200 m à la ronde de tous les plus grands fonds d'investissement » souligne Dominique Formhals. Pour parvenir à l'équilibre, la société de gestion de la Maison de l'Alsace à Paris doit dégager un chiffre d'affaires annuel de 1,5 million d'euros. L'outil à disposition des entreprises pour des rendez-vous business et de l'événementiel au coeur de la capitale, base son modèle économique sur la location de salles et d'espaces de travail. De plus, « la stratégie de communication est pour le moment tourné uniquement vers l'Alsace » précise Dominique Formhals. Pourtant, le standing du bâtiment aura de quoi attirer toute entreprise ou collectivité de « l'Outre Vosges ». Avec une verrière au sixième étage surplombant les Champs Élysées, on peut facilement imaginer des demandes de privatisation pour des Fashion weeks, des Tours de France ou autres défilés du 14 juillet... D'autant plus que du côté des finances, Dominique Formhals rappelle que « l'ensemble des entreprises impliquées dans MDA Partners représente un chiffre d'affaires de trois milliards d'euros. Si le million et demi d'euros de chiffre d'affaires n'est pas atteint par MDA Partners, un tour de table pourra être envisagé ».

Un outil de lobbying

À l'année, le centre d'affaires loue également des bureaux à Soprema, l'IRCAD, la Ville de Strasbourg et l'Université de Strasbourg. Hervé Fellmann, directeur général de Soprema (CA 2015 : 2,13 Mrds ?; 6.230 salariés) explique que « Soprema gagne en visibilité à Paris. Après avoir mené une étude de notoriété, nous avons pu constater que celle-ci est certes forte en Alsace mais faible auprès du grand public. Nous sommes donc maintenant présents sur ce lieu de prestige. Aujourd'hui, le bureau dont nous disposons au sein de la MAP est devenu un reflex. Enfin, en tant que grande société alsacienne de par sa taille et sa dimension internationale, il semblait évident d'être partie prenante de MDA Partners ». La Maison de l'Alsace, un outil de lobbying économique donc... Mais aussi politique ! Ne perdons pas de vue que les propriétaires du bâtiment haussmannien restent les deux départements alsaciens. Frédéric Bierry, président du Conseil départemental du Bas-Rhin estime « que la MAP permet un lobbying politique pour défendre par exemple le statut de Strasbourg capitale européenne et pour cela, il est bon de le défendre dans les plus hautes instances nationales. Enfin, les deux départements sont très attachés à ce que l'Alsace retrouve un périmètre institutionnel et politique malgré la réforme régionale. Il y a une fenêtre de tir au moment des élections présidentielles, nous allons la saisir à fond ! ».

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