Le succès d'une innovation est fragile. Mais son éclat rejaillit immédiatement sur son environnement immédiat. Le bien nommé Cristal, dernier né des solutions de transports de Lohr, porte les espoirs du groupe bas-rhinois. Il s'agit d'un nouveau système de transport public électrique et numérique. Lohr s'était déjà positionné de longue date sur le créneau des nouvelles mobilités avec le tram sur pneu Translohr, qu'il a cependant dû se résoudre à vendre en 2012 à Alstom et au Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Croissance réenclenchée
Le contexte de crise économique et l'effondrement du marché des remorques porte-voitures, coeur de métier du groupe qui en revendique encore aujourd'hui le leadership mondial, l'ont conduit cette année-là à la cessation de paiement, malgré deux vagues de restructuration successives. La cession du Translohr a permis d'éponger le déficit. De 2.000 personnes en 2010, l'effectif est aujourd'hui de 1.500 personnes réparties au siège du groupe à Hangenbieten, dans son usine de Duppigheim (un site de 70.000 m² de terrain couvert qui concentre 80 % de la production des porte-voitures, représentant encore plus de 40 % du chiffre d'affaires) mais aussi celles de Serbie, Turquie, Chine (Joint venture), Inde, Mexique et USA ainsi que ses filiales de services (UK, Espagne, Afrique du Sud et Russie). Au coeur de la tourmente, Robert Lohr, dirigeant fondateur et actuel président du conseil de surveillance de cette entreprise à capitaux familiaux, a pris un certain nombre de décisions stratégiques dont fait partie le Cristal, pour redresser la barre. Le chiffre d'affaires s'élève en 2015 à 200 millions d'euros, dont 80 % réalisés à l'exportation. « L'année dernière, nous avons renoué avec la rentabilité, même si elle est encore faible. Nous prévoyons une forte croissance du chiffre d'affaires en 2016 avec des marges améliorées », assure Marie-José Navarre, qui a rejoint Lohr il y a trois ans pour prendre en main l'activité ferroutage - un autre axe de développement fort du groupe également présent sur le secteur de la Défense - et son développement stratégique.
Une innovation qui s'exportera
Présenté lors de la COP21 en décembre dernier, puis au salon Européen de la mobilité « Transports publics » en juin, ce système de transport électrique, compact (composé d'un à quatre véhicules de la taille d'une voiture citadine) et numérique est pensé pour une exploitation en double usage : en mode collectif pour le transport public et individuel, avec mise à disposition des véhicules aux particuliers détenteurs d'un permis B en mode libre-service. Il s'agit d'un complément aux transports collectifs existants (bus, tram, métro...) qui répond à la problématique de desserte du dernier kilomètre. « Cristal a suscité beaucoup d'intérêt de la part de plusieurs villes françaises, indique Marie-José Navarre. Mais les premiers marchés potentiels sont à l'export. Nous avons des prospects aux Émirats Arabes Unis, à Singapour, en Suisse, en Allemagne ou encore au Maroc », précise-t-elle. 10 millions d'euros ont déjà été investis sur 4 ans par le groupe pour le mettre au point. L'objet casse les codes par son emprise au sol et son empreinte carbone réduites, ainsi que son côté numérique. « La réglementation sur l'électrique n'est pas encore à jour. Nous avons encore devant nous beaucoup de challenges réglementaires et techniques à relever mais nous espérons lancer la production dès 2018 », annonce la responsable. Le choix d'internaliser ou non cette production n'a pas été encore acté. Les premiers véhicules sont pour le moment fabriqués à Duppigheim, avec la contribution de nombreuses entreprises locales comme Nagué Color pour la peinture, Isri pour les fauteuils conducteurs ou encore Freshmile, opérateur de recharge pour véhicules électriques.
Expérimentation à Strasbourg
Ce nouveau système de transport bimodal va être expérimenté pour la première fois et pendant six mois sur l'Eurométropole de Strasbourg à partir de septembre 2017. En mode transport collectif, une boucle de 3 km desservira neuf stations, du Campus à l'hyper-centre de Strasbourg. Sept stations libre-service pour les particuliers seront également installées. L'entreprise a eu le sentiment d'un « Lohr bashing » au plus dur de la crise qu'elle a traversée. Avoir le soutien de sa région est un coup de pouce appréciable pour tout industriel. « Le Translohr n'a jamais roulé en Alsace, rappelle Marie-José Navarre. Si Cristal met un pied à Strasbourg, ce sera une jolie victoire et une belle reconnaissance ».
