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Le coup de gueule de Sotoco contre le crédit d'impôt recherche
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Le coup de gueule de Sotoco contre le crédit d'impôt recherche

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La PME de Sausheim Sotoco a fait appel en 2008 au crédit d'impôt recherche pour financer le développement de gobelets prédosés en papier et leur outil de production. Si ces gobelets rencontrent aujourd'hui un franc succès, Sotoco est beaucoup plus réservée quant aux bénéfices du CIR...

— Photo : Le Journal des Entreprises

Face aux élus de la CCI de Mulhouse venus visiter Sotoco, à Sausheim, Ernest Jenner, son dirigeant fondateur et son fils Anthony, actuel PDG, ont vidé leur sac. « Notre entreprise se porte bien et ses perspectives de marché sont très intéressantes. Mais nous ne sommes pas sûrs que c’est en France que nous poursuivrons notre activité », ont-ils déclaré.

La raison de leur désarroi ? Le crédit impôt recherche, ou plutôt, le contrôle du fisc qui a fait virer l’expérience au cauchemar pour ce fabricant de gobelets prédosés pour boissons chaudes et distributeur de machines de distribution automatique de boissons.

Un virage innovant

Historiquement dédiée à la vente et la location de distributeurs automatiques de boissons en Alsace et Franche Comté (une activité qui ne représente plus aujourd’hui, avec 1 000 distributeurs en gestion complète, qu’un gros tiers du chiffre d’affaires de la PME, de 9,5 M€), Sotoco s’est diversifiée dans la production de gobelets prédosés en plastique pour boissons chaudes à la fin des années 1980.

En 2008, Ernest Jenner dépose un brevet pour un nouveau type de gobelets prédosés operculés en papier qui donne à l’entreprise un second souffle. « Le développement des distributeurs automatiques a marqué un repli avec l’arrivée des machines à cafés à capsules. Nous avons donc dû trouver de nouveaux relais de croissance et ces gobelets en papier nous ont ouvert de nouvelles opportunités », souligne Anthony Jenner. Notamment dans l’aéronautique. Sotoco, qui emploie 65 personnes, travaille ainsi avec Air France et 70 % des compagnies low cost européennes. Cette activité représente désormais un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros dont 80 % réalisés à l’export, dans 32 pays différents.

« Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de prospecter les marques (telles que Nestlé, Illy, etc.). Ce sont elles qui viennent à nous », se félicite Anthony Jenner. Et les perspectives de développement sont encourageantes. « De gros contrats pourraient être prochainement signés, suite à notre participation au salon du catering de Hambourg », annonce le dirigeant. L’usine se dote d’ailleurs de quatre nouvelles machines pour augmenter ses capacités de production, actuellement de quelque 30 millions de gobelets à l’année.

« Nous regrettons d’avoir demandé le CIR »

Le développement et la fabrication des lignes de production des gobelets ont toujours été réalisés en interne, pour limiter les coûts. Une expertise que Sotoco souhaitait valoriser en commercialisant ses machines sous licence pour l’export. « Le Crédit impôt recherche nous a été accordé pour accompagner le développement de nos gobelets en papier et des machines de production et cela a représenté au départ un vrai coup de pouce », rappelle le dirigeant.

En tout, l’entreprise aura ainsi investi plus de 4 millions d’euros dans ce projet qui a nécessité une extension du site et permis d’embaucher sept personnes. « Notre intention était de créer une quinzaine d’emplois au total mais nos projets ont été stoppés car, après avoir obtenu le CIR, le fisc l’a remis en cause en nous demandant près d’un million d’euros ! On est au tribunal depuis 2012 pour cette affaire qui nous a déjà coûté 50 000 € en frais de défense. Nous nous sommes rendu compte que rien qu’entre Bâle et Mulhouse, une soixantaine d’entreprises sont au tribunal à cause du CIR et des contrôles fiscaux ! Heureusement on a les reins solides mais beaucoup d’entreprises ne s’en relèvent pas ! », peste Ernest Jenner.

Autodidacte, issu d’un milieu modeste, ce dernier a toujours autofinancé la croissance de son entreprise et a transmis ces valeurs à son fils. « Ma mère me répétait toujours : ne dépense que l’argent que tu as gagné… », se souvient-il. En absence d’endettement, l’entreprise est donc libre de délocaliser son activité dans un autre pays… « Mais on a 65 salariés, et on dirait que l’État fait tout pour que l’on parte ! », regrette le fondateur. « Depuis la création de l’entreprise, j’ai eu 23 contrôles fiscaux, ils n’ont jamais rien trouvé mais on est vraiment dégoûtés aujourd’hui », ajoute-t-il.

Sotoco (Sausheim) PDG : Anthony Jenner 65 salariés CA 2015 : 9,5 millions d’euros 03 89 61 95 55 www.sotoco.fr

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