Bientôt une usine de production de graphène en Alsace, ce matériau composé d’atomes de carbone ? C’est en tout cas le projet de la start-up strasbourgeoise Blackleaf (neuf salariés). Elle a été fondée en 2018, lorsque deux chercheurs du CNRS de Strasbourg, Housseinou Ba et Cuong Pham-Huu se sont associés au porteur de projet Yannick Lafue. Cette jeune pousse produit actuellement 50 kg de graphène par jour, pour différents usages pour des clients de l’industrie. Blackleaf a développé "un procédé de fabrication écoresponsable avec une méthode d’exfoliation opérant dans l’eau avec une solution composée à 98 % d’eau", résume Yannick Lafue, cofondateur et PDG de Blackleaf. Il estime que "le graphène est un très bon conducteur thermique et électrique et est 200 fois plus résistant que l’acier". La solution liquide obtenue est ainsi utilisée par des clients pétroliers et des industriels de l’automobile ou de l’énergie, par exemple en tant que revêtement, en anticorrosion dans les réseaux d’eau potable ou encore en lubrifiant pour des équipes de cyclisme professionnel. Les clients de Blackleaf comme Thales, Subsea7 ou l’Ifremer sont situés à 80 % en France. Yannick Lafue voit dans la production de graphène "une opportunité pour les industriels de proposer des produits plus compétitifs et d’y donner une connotation environnementale". Pour sa matière première, Blackleaf s’approvisionne en graphite canadien "qui s’achète sans problème d’approvisionnement à 50 euros le kilo en fonction des quantités demandées. Le prix peut être plus bas selon les volumes commandés".
Implanter un site de production
Après avoir été incubée au sein de l’incubateur régional Semia à ses débuts et soutenue par Bpifrance et la Région Grand Est, la start-up a installé son laboratoire dans le campus scientifique de Cronenbourg. À l’étroit, l’entreprise innovante projette de déménager dans de nouveaux locaux strasbourgeois dans quelques semaines.
En 2021, 98 % du chiffre d‘affaires de Blackleaf (420 000 euros) provenaient des études techniques et preuves de concept en codéveloppement. En 2022, l’objectif est de réaliser 15 % du chiffre d‘affaires avec la vente de graphène, en marque propre ou sous marque de distributeur. Pour ce faire, la start-up a par exemple récemment présenté un polish pour automobile, en test sur un salon. À l’horizon 2024-2025, les ventes pourraient même représenter 50 % du chiffre d’affaires.
Et c’est à cette même période que Blackleaf devrait avoir changé d’échelle puisque la jeune pousse projette l’implantation d’une usine de graphène avec 80 collaborateurs, "idéalement dans l’agglomération strasbourgeoise", selon Yannick Lafue. Le projet "à plusieurs dizaines de millions d’euros" devrait s’insérer dans un nouvel appel à projets en 2023 dans le cadre du plan France 2030 et faire l’objet d’une "grosse levée de fonds". En 2021, la start-up Blackleaf a déjà bouclé sa première levée de fonds de 600 000 euros auprès de business angels, a été lauréate du grand prix I Lab avec une subvention de 500 000 euros et a obtenu une subvention d’un million d’euros dans le cadre du plan de relance. Les trois associés historiques en sont encore actionnaires majoritaires. Enfin, Blackleaf entrevoit aussi un développement de l’usage du graphène dans les nouvelles générations de batteries, "pour s’affranchir des approvisionnements en terres rares", esquisse Yannick Lafue.
