Un air martial flotte dans la salle de réunion attenante au bureau de Kamel Boulhadid, au siège du groupe BK à Illzach. L’œuvre de Sun Tzu, « l’Art de la guerre », trône au milieu de la table, entourée de statuettes de guerriers aux gestes figés. Un décor à l’image de son président : carrure imposante, musculature entretenue, regard direct et parler franc. L’homme n’est pas du genre à s’en laisser conter. Derrière son sourire et une certaine discrétion affichée, se cache une volonté de fer et un caractère affirmé. Si le monde économique mulhousien est unanime pour saluer sa réussite dans le milieu de la restauration, le personnage divise, certains évoquant des règlements de compte un peu sanguins.
Une formation militaire
Il faut dire que Kamel Boulhadid, 52 ans, s’est forgé seul. Sa réussite, il la doit à sa force de caractère, à son sens des affaires et aux valeurs acquises dans les rangs de l’armée. « La meilleure des écoles où tout le monde est sur un même pied d’égalité » aime-t-il rappeler. Ce fils d’immigré ayant grandi dans la Zup des Coteaux à Mulhouse a très tôt quitté les bancs de l’éducation nationale. Enrôlé dans l’armée « à 17 ans et six mois », il rejoint le huitième Régiment parachutiste d'infanterie de marine à Castres. Quatre ans plus tard, « après une formation militaire complète », le soldat revient à la vie civile. De retour à Mulhouse, il lui faut trouver un emploi. Il décide de se le créer en se lançant dans les pizzas à emporter. L’aventure démarre dans un garage, avec un pétrin, un four et deux scooters.
La petite affaire commence à bien tourner, mais les lacunes en gestion du jeune entrepreneur font virer les comptes au rouge. C’est là que la vie de Kamel Boulhadid prend un nouveau virage, à l’occasion d’un voyage aux USA suggéré par un de ses amis. Le jeune homme s’envole pour l’Orlando Pizza Show. Il y fera deux rencontres qui vont donner à sa carrière un nouvel élan : l’enseigne Domino’s Pizza et Jim Rohn, entrepreneur américain renommé dont il suit un séminaire qui révolutionne sa vision de l’entreprise : « J’ai compris que je faisais fausse route », avoue-t-il.
Le filon américain
Le pizzaïolo devient le premier franchisé Domino’s Pizza en France. Avec 48 points de ventes sur les 363 que compte le réseau dans l’Hexagone, Kamel Boulhadid est aujourd’hui le plus important franchisé de l’enseigne en France. Le filon américain ne s’arrête pas là : il est aussi le premier entrepreneur à convaincre Starbucks Coffee de lui confier le développement de la très convoitée enseigne en Alsace et Lorraine, avec déjà quatre points de vente ouverts depuis 2016 « et trois autres prévus cette année, dont un deuxième à Nancy », indique Kamel Boulhadid. Au total celui-ci prévoit sept nouvelles créations en 2018, concernant également l’enseigne Domino’s Pizza, Au Bureau et celle qu’il a créé en 2004, Sushi’s. Sans exclure le lancement de nouvelles marques cette année…
Le dirigeant est aujourd’hui à la tête d’un groupe comptant une cinquantaine d’établissements dont il préfère taire le chiffre d’affaires global, estimant être le deuxième plus gros groupe de restauration du Grand Est. « L’armée m’a donné la force mentale de franchir les obstacles sur ma route. Il y a toujours des solutions. Rien n’est impossible, à force de persévérance et de courage. Il faut aussi s’entourer des bonnes personnes », estime Kamel Boulhadid, dont la plus grande fierté est d’avoir pu créer 1400 emplois, dont 35 au siège pour les fonctions supports.
Renvoi d’ascenseurs
Des hommes et femmes qu’il s’applique à faire grandir dans l’entreprise, quel que soit leur bagage de départ, à l’instar de son directeur opérationnel ayant démarré en tant que manager au sein d’un de ses restaurants à Colmar en 1998. « 17 anciens salariés ont été ou sont aujourd’hui associés à mes côtés dans les différents établissements », souligne Kamel Boulhadid qui renvoie aussi l’ascenseur à de jeunes entrepreneurs en dehors de son groupe, en participant au capital de leur société pour les accompagner dans leur développement.
Une phrase qu’il affectionne résume à elle seule ce dirigeant atypique et déterminé : « si un jour le diable vient vous voir et vous dit que vous n'êtes pas capable de passer la tempête, répondez-lui que vous êtes la tempête ».
