Bas-Rhin
Coronavirus - Transports Routiers d'Alsace : « Nous avons l'impression de poser des rustines tous les jours »
Interview Bas-Rhin # Transport # Conjoncture

Franck Augustin PDG de Transports Routiers d'Alsace Coronavirus - Transports Routiers d'Alsace : « Nous avons l'impression de poser des rustines tous les jours »

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Il y a moins d'un an, Franck Augustin a pris la suite de son père à la tête de l'entreprise familiale bas-rhinoise Transports Routiers d'Alsace. Le coronavirus lui a fait perdre plus de la moitié de ses commandes clients. Il anticipe une reprise en deux temps dans le secteur routier, avec une accélération brutale, suivie d'une chute.

— Photo : ©TRA

Le Journal des Entreprises : Vous êtes à la tête de la société Transports Routiers d’Alsace (CA : 10 M€, 60 collaborateurs dont 30 chauffeurs routiers), fondée par votre grand-père en 1957 et basée à Matzenheim dans le Bas-Rhin. Quelle est la situation de votre entreprise en pleine crise liée au coronavirus ?

Franck Augustin : Nous avons perdu environ 55 % de nos commandes clients. Cela nous a conduits à mettre en chômage partiel des conducteurs routiers, mais également des collègues de bureau. À la fin de la première semaine de confinement, 90 % du personnel sédentaire était en télétravail. Cette baisse d’activité est essentiellement liée à l’arrêt du BTP et de l’industrie lourde, deux secteurs qui représentent 70 % de notre activité. Nous réalisons 45 % de notre chiffre d’affaires dans le bâtiment avec comme client principal en Alsace, le groupe de quincaillerie professionnelle Würth. Les conditions de travail, notamment la proximité entre les ouvriers, dans les usines où nous chargeons, ne permettaient pas la continuité de la production. Comment pourrait fonctionner le BTP alors que les ouvriers travaillent en équipe, se rendent à plusieurs dans une cabine sur les chantiers et se passent les outils ?

Avez-vous eu à répercuter une augmentation des coûts sur vos clients ?

Franck Augustin : Dans le transport, le taux de charge habituel des camions, c’est-à-dire le taux de remplissage, est de 77 à 78 %, ce qui nous permet d’être au-dessus du coût de revient. Aujourd’hui, nous sommes plus proches des 48 à 50 %, c’est-à-dire que nous effectuons la moitié des kilomètres en dessous de ces coûts de revient. Un de nos gros clients alsaciens dans le médical envoie ses marchandises en Rhône-Alpes. Les camions partent complets, mais reviennent presque vides. À Lyon, où nous avons habituellement une vingtaine de clients, seuls quatre sont actuellement en activité, dans l’agroalimentaire et dans l’animalerie. Les autres clients de l’industrie lourde, notamment dans le secteur de l’automobile pour qui nous transportons de la ferraille, sont à l’arrêt. Nous n’avons pas répercuté cette hausse des coûts car nous prônons le partenariat auprès de nos clients. Il serait inopportun d’augmenter les prix alors que les secteurs qui continuent de tourner sont l’agroalimentaire et le médical.

Avez-vous fait appel à des mécanismes d’aide pour les entreprises ?

Franck Augustin : Nous sommes une petite PME qui réalise un peu plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quand le ministre de l’Économie Bruno Le Maire nous dit de ne pas prendre de dividendes, cela ne nous concerne pas vraiment. Une PME n’en sort que tous les trois ou quatre exercices. Le problème, pour nous, c’est de garder un fonds de roulement (trésorerie) assez important pour payer le carburant, les petits sous-traitants, etc. Pour l’instant, nous avons simplement eu recours à l’activité partielle. Nous avons l'impression de poser des rustines tous les jours. Ce que je remarque, c’est qu’il y a eu plus de communication que lors de la crise bancaire de 2008. Pour ce qui concerne les banques, je suis agréablement surpris de leur réaction. Elles ont été proactives et nous ont proposé des ponts pour consolider nos finances ou des solutions pour le prélèvement des crédits. C’est important de le noter, car c’est un total changement d’attitude par rapport à la crise bancaire de 2008.

Comment voyez-vous le retour à la normale après la fin du confinement ?

Franck Augustin : Cela ne se fera pas d’un coup. Je pense que quand la crise va s’arrêter, il y aura un boom des transports durant les deux premières semaines car il faudra livrer toutes les marchandises actuellement stockées. Mais après, il risque d’y avoir une chute vertigineuse. Transports Routiers d'Alsace est une société familiale, créée par mon grand-père et développée par mon père dans les années 1980. Nous avons le savoir-faire, nous savons monter dans un camion, en faire l’entretien. Comme beaucoup de PME alsaciennes dans le transport qui ont les mêmes gènes, on pourra redémarrer, mais peut-être à une plus petite échelle en termes d’effectifs.

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