Coronavirus : les industriels alsaciens de l'agroalimentaire s'organisent face à la crise
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Coronavirus : les industriels alsaciens de l'agroalimentaire s'organisent face à la crise

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En première ligne depuis le déclenchement de la crise sanitaire, le secteur de l’agroalimentaire est scruté de près pour assurer l’approvisionnement des produits de première nécessité. En Alsace, les industriels s’organisent.

A Ribeauvillé, Carola entre dans la période où les stocks d'eau sont habituellement constitués en prévision de la période estivale. — Photo : © Lucie Dupin

« Le message à faire passer est qu’il n’y aura pas de pénurie », insiste Isabelle Heumann, directrice générale de Paul Heumann (CA : non communiqué ; 21 collaborateurs), fabricant de pain azyme dans le nord de l’Alsace. La co-présidente de l’Aria Alsace, association régionale des industries alimentaires, reconnaît cependant deux niveaux d’impact dans le secteur de l’agroalimentaire depuis le début de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19. « La production de produits de première nécessité et de produits de consommation longue durée est vitale et les industries concernées continuent de tourner. En revanche, l’effet inverse est enregistré chez les traiteurs et les activités liées à l’événementiel ».

Pour Isabelle Heumann, dans ce contexte, une des priorités est de protéger les salariés avec des mesures sanitaires strictes bien que celles-ci soient déjà appliquées dans l’agroalimentaire. « Gestes barrières, lavage des mains, port de masques sont les pratiques de base dans l’industrie agroalimentaire, les salariés ont l’habitude. De plus, ils ont conscience d’être au travail pour nourrir la nation, il faut saluer leur engagement ».

Gérer les stocks

Un engagement que souligne également Valérie Siegler, directrice générale des eaux Carola et Wattwiller (CA 2019 : 32 M€ ; 98 collaborateurs) à Ribeauvillé (68). « Dès fin février, nous avons mis en place un plan de continuité de l’activité pour assurer la mise en sécurité des salariés et pour répondre à la demande. Nous entrons dans notre période haute de production, qui habituellement, est celle où nous préparons les stocks pour la période estivale, là où la demande est forte. Nous constituons donc nos stocks tant que nous pouvons produire. Nous sommes vigilants quant à la réaction en chaîne avec nos fournisseurs ».
Isabelle Heumann, également trésorière de l’Aria Grand Est, est référente Covid-19 pour l’Aria. À ce titre, la dirigeante explique relayer à la centaine d’adhérents de l’Aria Alsace les messages de l’Ania, association nationale des industries alimentaires. L’association est également en lien avec la filière transport et les ministères.

À Strasbourg, Lionel Chevrier, directeur général des Moulins Advens, qui comptent cinq sites en France (CA 2019 : 120 M€ ; 240 collaborateurs, dont 120 à Strasbourg), confirme « ne pas connaître de problème d’approvisionnement en blé. La filière agricole fonctionne. Les moulins continuent d’alimenter la grande distribution, les boulangers artisans et les industries qui tournent. La première semaine du confinement, nous avons produit + 130 % de paquets de farine d’un kilo. Nous disposons également de stocks d’emballages. Nous n’avons pas d’inquiétude majeure. Pour autant, le dirigeant fait preuve de prudence : « nous vivons au jour le jour, car la situation peut se retourner à tout moment ».

Faire face à l’absentéisme

C’est ce que semble devoir gérer l’entreprise Pâte Grand-Mère (CA : 20 M€ ; 95 collaborateurs) à Marlenheim dans le Bas-Rhin. Le producteur fabrique 10 000 tonnes de pâtes aux œufs par an, dont 85 % pour la grande distribution. En raison d’un taux d’absentéisme d’un quart des salariés en production, l’entreprise a dû fermer une de ses sept lignes de production la semaine du 23 mars. Pour maintenir la fabrication, le PDG Philippe Heimburger explique « avoir rallongé les plages horaires de production, notamment le samedi et s’être concentré sur les formes de pâtes les plus simples et rapides à produire ».

Fermeture et réorientation

Selon la santé financière de l’entreprise, certains industriels, certes de l’agroalimentaire, mais non considérés comme de première nécessité, ont préféré mettre leur activité à l’arrêt, à l’image de Fortwenger, qui fabrique des pains d’épices et petits biscuits. Steve Risch, le PDG a privilégié l’arrêt de ses sites de production à Gertwiller dans le Bas-Rhin et à Ensisheim dans le Haut-Rhin « pour préserver la santé des équipes. Les biscuits n’étant pas un produit de première nécessité, nos clients distributeurs ne vont pas nous en commander et notre réseau de boutiques en propre est également fermé », explique le dirigeant. Nos salariés le comprennent et nous reprendrons la production plus tard quand cela sera possible. « Nous sortons de Noël, la plus grosse période d’activité pour la marque. Donc, nous pouvons encore nous appuyer sur de la trésorerie et nous avons été bien accueillis par les banques, ça fait chaud au cœur ».

Enfin, les entreprises de l’agroalimentaire, à la fois productrice et transformatrice de leurs propres matières premières scrutent la situation au jour le jour et l’évolution chaque heure. Sébastien Muller, co-préside l'Aria Alsace et dirige la choucrouterie familiale Lepic à Meistratzheim (67) (CA : 3,5 M€ ; 15 personnes) qui « dispose de stocks en cuves de fermentation et en produits finis. Nous continuons de livrer normalement la grande distribution. Habituellement, nous travaillons avec les métiers de bouche qui sont fermés actuellement. Nous pourrions réfléchir à réorienter cette production pour livrer les services de restauration des hôpitaux ». En attendant, l’entreprise, qui compte aussi une exploitation agricole, doit penser à la préparation de la plantation des choux d’ici fin avril qui nécessite l’embauche de travailleurs saisonniers.

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