Coronavirus : dans le Grand Est, un professionnel du tourisme sur trois craint une défaillance
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Coronavirus : dans le Grand Est, un professionnel du tourisme sur trois craint une défaillance

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Le secteur du tourisme vit des heures sombres dans le Grand Est. Une entreprise sur trois redoute une défaillance.

Ces dernières années, les vins d'Alsace enregistrent des résultats commerciaux en demi-teinte. Ils perdent notamment du terrain à l'international — Photo : © ZVARDON

Les résultats de la dernière étude réalisée par l'Agence régionale du tourisme Grand Est (ART GE) font froid dans le dos. Le chiffre d’affaires des 1 965 professionnels du tourisme du Grand Est interrogés entre le 20 mars et le 6 avril 2020 pourrait s'effondrer en cas de reprise au début de l'été. Pire encore, un répondant sur trois redoute un risque de défaillance.

Face à la situation catastrophique du tourisme, un secteur qui pèse 6 % du PIB et emploie 92 000 personnes dans le Grand Est, les pouvoirs publics tentent de réagir. Emmanuel Macron a ainsi promis des aides spécifiques pour les entreprises du secteur. Dans le Grand Est, l'ART GE en coopération avec la direction régionale du tourisme prépare elle-aussi un plan d'aide pour soutenir les professionnels du tourisme de la région.

Selon Marie-Reine Fischer, conseillère régionale et présidente de cette agence, « ce plan de rebond en cours de développement va s'orienter d'abord sur le tourisme de proximité, puis régional et enfin national. Nous ne pouvons pas donner plus de détails pour l'instant. » L'ART GE a également créé une cellule de veille, Strong Together!, un groupe de travail qui regroupe les représentants de tous les acteurs du secteur et qui surveille l'évolution de la situation grâce à des réunions régulières.

L'ART GE participe également, au niveau national, à des réunions du comité de filière tourisme sous la houlette de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Dans ce cadre, l'agence régionale travaille notamment « sur la mise en place d'une charte de sécurité sanitaire », affirme Marie-Reine Fischer. Ce recueil de bonnes pratiques des professionnels du tourisme en temps de pandémie pourra permettre, selon l'élue « de rassurer les clients afin de pouvoir envisager de faire la promotion des établissements et des sites, de donner envie ».

« Notre chiffre d'affaires est à l'arrêt complet »

Malgré ces promesses et ces initiatives, les professionnels du tourisme dans le Grand Est, notamment en Alsace où le secteur était en croissance avec une augmentation du nombre de nuitées de 6 % en 2019 par rapport à l'année précédente, le pessimisme règne. « Il est très clair que pour nous, rien n'est clair malgré l'annonce du déconfinement le 11 mai », affirme Aurélie Schaetzel, membre de la direction de l'Hostellerie des Châteaux. Cet hôtel-restaurant et spa quatre étoiles est situé sur les hauteurs d'Ottrott dans le Bas-Rhin. Fondé par la famille Schaetzel en 1971, il compte 66 chambres et emploie 45 collaborateurs.

« Notre chiffre d'affaires est à l'arrêt complet depuis le début du confinement, il n'y a pas de réservations. Nous sommes passés de cinq appels téléphoniques à la demi-heure à cinq appels par jour pour des annulations », poursuit-elle. Quant à l'élaboration d'une charte sur la sécurité sanitaire, la dirigeante pose cette question : «  Nous accueillons peu de professionnels. Nous sommes une industrie liée au plaisir. Est-ce que vous auriez envie de venir vous détendre au restaurant en portant un masque et vous faire servir par quelqu'un qui porte un masque ? Certainement pas ».

Inquiétudes sur le paiement des salaires

Le restaurateur Cédric Mincato est plus positif. Il est aujourd'hui à la tête de Vegan Union (CA 2019 : 1,25 M€, 35 collaborateurs), un groupe qui compte pour l'instant trois restaurants végans à Strasbourg. L'ouverture d'un quatrième restaurant a été reportée à cause de la crise du coronavirus, ainsi que le développement de son réseau de franchises. Il réalise actuellement 25 % de son chiffre d'affaires en maintenant les livraisons le soir, ce qui correspond aux revenus habituels de cette activité.

Ce qui l'inquiète depuis l'annonce du report du confinement jusqu'au 11 mai, c'est le paiement des salaires. Il envisage de faire appel à un prêt pour alimenter sa trésorerie car les délais de remboursement du chômage partiel l'ont obligé à avancer les salaires. S'il salue l'initiative du gouvernement français d'annuler les charges, il attend plus de précisions.

Concernant les prêts garantis par l'Etat et la Région Grand Est, il aurait préféré « des mesures comme celles prises dans la région allemande frontalière de la Sarre » où il prépare l'ouverture d'une de ses franchises. Son partenaire local lui aurait dit que « les aides ne sont pas des prêts là-bas, ce sont des chèques ». En plus des mesures fédérales, ce land allemand a, en effet, mis en place un fonds d'urgence de 30 millions d'euros et verse 3 000 à 10 000 euros aux entreprises dont la trésorerie est en difficulté. Par ailleurs, Cédric Mincato se prépare à la reprise. Il a choisi une stratégie plébiscitée à 63 % par les répondants à l'étude de l'ART GE : le développement d'une stratégie web et réseaux sociaux.

Les parcs touristiques à l'arrêt

L'étude porte également sur la fréquentation des établissements et des sites touristiques. Les répondants estiment que la baisse pourrait atteindre - 80 % pour fin mai. C'est particulièrement visible dans les parcs touristiques comme le site de la Montagne des singes (CA 2019 : 3,5 M€, 10 collaborateurs, 50 saisonniers) à Kintzheim dans le Bas-Rhin. Il a accueilli 330 000 visiteurs en 2019. « Pour l'instant, nous sommes fermés jusqu'au 15 juillet, car nous sommes un site recevant du public », indique le gérant, Guillaume de Turckheim. Il estime que « le nombre de visiteurs devrait s'élever à 50 000 cette année selon la date de réouverture et la baisse du chiffre d'affaires devrait être de 80 % au minimum ». Selon lui, « cela risque de mettre la structure en difficulté mais pas en péril, car nous avons un peu de réserve et les aides de l'Etat devraient donner un peu d'oxygène pour redémarrer l'année prochaine ».

Le poids des charges fixes

L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie du Bas-Rhin (Umih 67), très active, a organisé dès le 16 mars 2020, une conférence en ligne pour répondre aux questions de ses adhérents. Quelques semaines plus tard, son directeur, Christophe Weber était peu positif : « l'impact du coronavirus est catastrophique. Il n'y a pas de chiffre d'affaires et les charges fixes sont quand même là. Si on dit d'ouvrir à telle date et que les clients ne viennent pas, beaucoup d'entreprises n'y arriveront pas ». Entre-temps, le gouvernement a annoncé vouloir annuler jusqu'à 750 millions d'euros de charges pour le secteur de l'hôtellerie-restauration. Christophe Weber, prudent, attend de voir l'application de cette décision pour commenter. Il estime aujourd'hui que la reprise se fera « petit à petit » et dépendra de deux paramètres : « La situation sanitaire et l'humain, c'est-à-dire comment les gens vont appréhender la sortie du confinement ».

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