Cinéma et audiovisuel : les nouvelles ambitions de l'Alsace
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Cinéma et audiovisuel : les nouvelles ambitions de l'Alsace

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L’année 2018 a été riche en tournages sur le territoire. Alors que les collectivités se livrent à une compétition de plus en plus soutenue pour attirer les réalisateurs, les récents efforts de Mulhouse pour gagner en visibilité ont été couronnés de succès en 2018, avec des pistes prometteuses pour son avenir cinématographique et télévisé.

Une partie du tournage des Crevettes pailletées a été réalisée dans l’église d’Eschentzwiller ainsi que dans la piscine des Jonquilles et aux Bains municipaux de Mulhouse — Photo : © Christophe Devillers

La comédie Les Crevettes pailletées, récompensée par le prix spécial du jury 2019 du Festival de L’Alpe-d’Huez, a fait une sortie remarquée dans les salles obscures début mai, pour la plus grande fierté des Mulhousiens. Plusieurs scènes ont en effet été tournées en juin 2018 - durant 10 jours - dans l’agglomération mulhousienne. Et ce tournage, aux retombées estimées à quelque 50 000 € (hors salaires des techniciens et indemnisation des figurants), n’est pas un cas isolé.

En 2018, Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) a ainsi été le siège de huit tournages destinés à la télévision ou au cinéma, dont un épisode de la série policière française Capitaine Marleau ou encore un court-métrage pour Canal +, Diversion. « Du jamais vu ici », s’enthousiasme Christophe Devillers, directeur attractivité de l’agglomération, également responsable depuis septembre 2017 d’une « mission cinéma » créée par M2A. L’enjeu ? Attirer les tournages sur le territoire, pour le faire rayonner, mais aussi bénéficier de retombées économiques bienvenues tout en dynamisant la filière artistique locale.

600 000 € de retombées économiques pour Mulhouse

Ainsi, un euro investi par la collectivité dans un tournage rapporterait sept euros en moyenne à l’économie locale. M2A a ainsi quantifié à quelque 600 000 € les retombées économiques des huit tournages qui se sont tenus l’année dernière sur son territoire.

L’agglomération mulhousienne n’est bien évidemment pas la seule à s’intéresser au sujet. « Avec le boom des productions télévisées – films et séries - au début des années 2000, tous les territoires se sont lancés dans des opérations séduction auprès des réalisateurs afin d’attirer des tournages d’envergure sur leurs terres », indique Christophe Devillers.

Dans cette compétition, la région Grand Est, qui compte quelque 341 comédiens et 574 techniciens, se positionne selon Pascal Mangin, président de la commission culture de la région Grand Est et président de l’Agence culturelle Grand Est, « parmi les trois premières régions, avec les Hauts-de-France et Auvergne Rhône-Alpes, hors île de France, à avoir le meilleur fonds de soutien ». L’élu était par ailleurs présent à Cannes, pour vendre le territoire aux acteurs du cinéma, mais aussi soutenir le long-métrage d’Erwan Le Duc, Perdrix, intégralement tourné dans la région.

L’Eurométropole de Strasbourg, locomotive des tournages

En 2018, 79 dossiers ont été instruits par l’Agence culturelle Grand Est, bureau d’accueil des tournages subventionnée majoritairement par la Région Grand Est. 25 de ces projets ont reçu un soutien financier de la Région. L’Eurométropole de Strasbourg, qui bénéficie de son propre bureau des tournages, a, elle, aidé 30 projets de films sur les 123 ayant été déposés.

L’agglomération strasbourgeoise fait régionalement figure de locomotive, même si, en 2018, Reims est la ville ayant accueilli le plus de jours de tournages. Les Strasbourgeois ont tous en mémoire le tournage de la scène d’ouverture de Sherlock Holmes 2, long-métrage de Lionel Richie, au pied de la cathédrale…

« L’installation d’Arte en 2003 à Strasbourg a contribué au développement des métiers du cinéma et des sociétés de production »

« Il y a un écosystème de production assez important à Strasbourg », confirme Philippe Avril, à la tête de la société de production Les Films de l’Étranger (3 salariés, 100 000 € de CA en 2018). Depuis 1992, l’Observatoire européen de l’audiovisuel, ayant son siège à Strasbourg, avait contribué à cette dynamique, renforcée par l’installation d’Arte en 2003, « qui a contribué au développement des métiers du cinéma et des sociétés de production, comme le Boulevard des Prods, encore renforcé par la mise en place des fonds de soutien de la Région et de l’Eurométropole et de politiques structurées d’accueil des tournages », ajoute-t-il. En tempérant néanmoins : « Par rapport à d’autres régions, nos collectivités ne font pas assez d’efforts financiers » estime-t-il. Celui-ci est cependant satisfait de l’existence de deux fonds de soutien différents, celui de l’Eurométropole et celui de la Région, « car ils ne font pas les mêmes choix, ce qui garantit plus de diversité », estime-t-il.

Des fonds de soutien qui font la différence

Si les sites remarquables d’un territoire peuvent convaincre des réalisateurs d’y tourner leurs images, le nerf de la guerre est tout de même financier. Le Grand Est bénéficie comme les autres régions françaises d’une « exception culturelle française », comme le souligne Christophe Devillers : par le biais de conventions, le Centre national du cinéma français subventionne ainsi les projets cinématographiques en régions, en apportant 1 € pour 2 € investis par la collectivité dans un projet. L’Eurométropole de Strasbourg est une des trois seules agglomérations françaises à être signataire de ce type de convention - avec l’agglomération de Paris et celle de Valence - le CNC ayant ensuite décidé de flécher son soutien uniquement aux régions.

La Région Grand Est dispose d’un fonds de soutien s’élevant à 5,3 M€ pour les productions de films, tandis que l’Eurométropole annonce un budget de 840 000 € pour 2019. Ces fonds sont alloués aux tournages en contrepartie de différents engagements, comme l’emploi de techniciens du territoire ou de figurants locaux par exemple. Pour donner du poids à sa mission cinéma, l’agglomération mulhousienne a quant à elle débloqué un fonds annuel de 50 000 € pour susciter les projets de tournage sur son territoire. Un fond qui bénéficie indirectement de l’effet levier du CNC, grâce à une coopération originale lancée avec la Région Grand Est et l’Agence Culturelle Grand Est, signée début 2018.

Par cette convention la Région peut, le cas échéant, flécher les projets dont elle est saisie vers l’agglomération mulhousienne et celle-ci s’engage en retour à mettre en œuvre un accueil de qualité, une facilitation des démarches et une mise à disposition de décors. Cette convention s’accompagne d’une annexe financière. M2A abonde au projet financé par la Région, le tournage bénéficiant ainsi de l’effet levier du CNC.

Mulhouse sous le feu des projecteurs

Depuis, des conventions similaires ont été signées entre la Région et différents territoires, fédérés au sein du réseau tournages Grand Est, Plato. Les collectivités partenaires s’engagent financièrement et logistiquement pour accompagner sur leur territoire les projets de long-métrage, courts métrages, fiction TV, et web séries.

Après une année 2018 exceptionnelle, Mulhouse pourrait à nouveau attirer les regards cette année. La ville va en effet bénéficier d’un important coup de projecteur en novembre prochain. La candidature de l’agglomération pour l’organisation des Rencontres annuelles de l’académie franco-allemande du cinéma de novembre 2019 a été validée. Le territoire accueillera 250 producteurs allemands et français pendant deux jours. « Cela peut nous ouvrir des portes pour des tournages internationaux, se félicite Laurent Riche, vice-présent de Mulhouse Alsace Agglomération, en charge de l’attractivité économique. Nous aurons l’occasion de montrer ce que l’on propose. Notamment des décors proches de l’univers berlinois qui pourraient en inspirer certains ». Silence, moteur, ça tourne, action !

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